Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

année et qui permettrait de pourvoir à l’achèvement du réseau national ; mais on avait élevé des doutes à cet égard. On avait tort. Le ministre et les ingénieurs placés sous ses ordres s’étaient livrés aux calculs les plus ardus et les plus minutieux pour déterminer tous les élémens de dépense d’une exploitation de chemins de fer, et ils étaient arrivés à des résultats d’une précision et d’une exactitude qui leur font le plus grand honneur. La commission nommée pour faire une enquête sur le régime des chemins de fer a fait l’application des formules de M. Spaventa au trafic des divers réseaux italiens pendant les années 1876 à 1879, et elle a constaté qu’il en serait effectivement résulté un bénéfice pour le trésor. Le projet de M. Depretis était un simple contrat de fermage ; mais il reposait au fond sur les calculs auxquels l’administration précédente s’était livrée. L’inconvénient de la combinaison de M. Spaventa était l’incertitude du produit que le trésor devait retirer de l’exploitation des chemins de fer. Ce produit pouvait varier d’une année à l’autre ; il ne pouvait être évalué que d’une façon conjecturale, tandis que les prévisions budgétaires ont besoin de précision et d’exactitude, M. Depretis satisfaisait à cette nécessité en stipulant un fermage fixe et en laissant aux compagnies les chances bonnes ou mauvaises de l’exploitation. Toutefois, le fermage de 45 millions n’était pas absolument invariable. Le prix de la houille, qui entre pour une si forte part dans les dépenses d’exploitation, était calculé à 40 francs par tonne, rendue dans les principaux ports italiens. Toutes les fois que ce prix moyen était dépassé, la société exploitante avait droit pour chaque tonne dont l’introduction était constatée par la douane à une réduction proportionnelle à l’élévation du cours ; par contre, elle devait bonifier à l’état une partie de l’économie qu’une baisse dans le prix du charbon lui permettrait de réaliser.

Le fermage imposé aux deux sociétés était calculé sur une recette brute de 74 millions pour le réseau adriatique et de 76 millions pour le réseau méditerranéen. Tout excédent de la recette brute sur ces chiffres, considérés comme normaux, devait être partagé à raison de 42 pour 100 par l’état et de 58 pour 100 pour l’exploitant. Enfin, toutes les fois que les bénéfices d’une des deux sociétés lui permettraient de distribuer à ses actions un dividende supérieur à 7 1/2 pour 100, cet excédent devait se partager par moitié entre l’état et les actionnaires.

Telles étaient les dispositions essentielles du projet de M. Depretis : il serait sans intérêt d’analyser les autres, puisque ce projet ne devait pas aboutir plus que n’avait fait le projet Spaventa. Une révolution ministérielle renversa M. Depretis et amena au pouvoir, avec M. Cairoli, la gauche avancée, au sein de laquelle les idées de