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l’ancienne chapelle « étoit fort belle ; » mais il n’apprend pas pourquoi, et ne renseigne en rien sur la manière dont elle était ornée. Sur elle, comme sur les plus rares témoins de notre art national, la révolution passa comme un incendie. Écouen fut plus heureux que Chantilly. Le château ne fut pas détruit et les trésors qu’Anne de Montmorency avait renfermés dans sa chapelle furent également sauvés. Ces précieuses épaves, recueillies dans le musée des Petits-Augustins et restituées à la maison de Bourbon en 1816, étaient demeurées depuis lors comme ensevelies[1]. Les voilà maintenant rendues à leur destination. M. le duc d’Aumale les a mises en si belle lumière dans la chapelle de son nouveau château, qu’elles semblent placées là tout exprès pour servir d’argumens et de preuves à ceux que préoccupe l’histoire si compliquée de notre renaissance.

Les monumens qui, venant de la chapelle du château d’Écouen, font partie maintenant de la chapelle du château de Chantilly, sont : les vitraux, l’autel, les boiseries. L’étude de ces monumens va nous permettre d’envisager, sous ses formes multiples, l’art contemporain des Valois.


II

Les deux verrières encastrées dans les fenêtres latérales de la chapelle de Chantilly représentent : Anne de Montmorency et ses quatre fils, en compagnie de saint Jean l’Évangéliste ; Madeleine de Montmorency et ses quatre filles, assistées de sainte Agathe. Anne de Montmorency ayant eu de sa femme Madeleine de Savoie douze enfans, cinq fils et sept filles, ce sont les aînés des fils et des filles dont nous avons ici les portraits. Tous sont agenouillés et tournés vers l’autel, recueillis, les mains jointes, dans l’attitude de l’oraison, pareils à ces innombrables donateurs qui n’osaient paraître devant Dieu que sous la sauvegarde de leurs saints patrons. Par des baies largement ouvertes sur la campagne au fond de ces tableaux, l’œil suit les lignes fuyantes d’un paysage dont les ondulations se perdent au milieu d’horizons imaginaires dans le goût de l’époque. Deux anges, agenouillés au bas de chacune de ces verrières, tiennent des cartels de forme ovale, sur lesquels on lit la date de 1544.

  1. Le prince de Condé n’attachait aucune importance à ces sortes de choses. Les caisses qui contenaient les vitraux de la chapelle, ainsi que les vitraux de la galerie de Psyché, ne furent même pas ouvertes. On les déposa dans un des magasins du Palais-Bourbon, où elles restèrent jusqu’à la mort du prince, en 1830.