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Anne de Montmorency paraît le premier sur le vitrail de gauche. Il a tenu une trop grande place à Chantilly pour que nous ne nous arrêtions pas devant lui. Né à Chantilly même, en 1493, il avait cinquante et un ans en 1544[1]. Il était, par droit de naissance, premier baron du royaume, seigneur de Montmorency, d’Écouen et de Chantilly, comte de Beaumont sur-Oise et de Dammartin ; il est devenu, par droit de conquête, maréchal, grand-maître et connétable de France, chevalier des ordres de Saint-Michel et de la Jarretière, gouverneur du Languedoc et premier gentilhomme de la chambre du roi. Depuis trente-deux ans déjà il a paru avec honneur et sans se ménager sur tous les champs de bataille où le sang de la France a coulé. À dix-neuf ans, il a vu Gaston de Foix triompher et mourir à Ravenne (1512), et, à vingt-deux ans, il a combattu à Marignan comme lieutenant de la compagnie d’ordonnance du seigneur de Boissy, son cousin (1515). Bayard a trouvé en lui un digne auxiliaire dans la défense de Mézières en 1521. Il a conduit lui-même les Suisses à l’attaque de la Bicoque, où il est tombé couvert de blessures au milieu des mourans (1522). À peine remis sur pieds, il a forcé le connétable de Bourbon, devenu rebelle, à lever le siège de Corbie (1523). En 1525, il a voulu avoir sa part de danger dans une guerre entreprise malgré son conseil, et il a été fait prisonnier à Pavie en compagnie de son roi, dont il a ensuite négocié la rançon. Il s’est posé comme une digue devant les envahissemens de Charles-Quint. Il a ruiné l’armée de l’empereur en Provence (1536), préservé la Picardie des Impériaux, gagné la bataille de Suze et menacé le Milanais en 1537. Le 10 février 1538, le titre de connétable lui a été donné. C’était la cinquième fois que l’épée de France était confiée à un Montmorency. Anne avait alors quarante-cinq ans. Il était à l’apogée de sa puissance et au point culminant de sa vie. On voyait en lui l’arbitre des destinées de la France. Tous les grands de la terre étaient à ses pieds ; tous lui envoyaient des présens, et, pour recevoir, il avait la main large. Une si haute fortune appelait la tempête. Les foudres d’une disgrâce royale tombèrent sur lui en 1541, et le tinrent éloigné de la cour jusqu’à la mort de François 1er en 1547. Il redevint tout-puissant avec Henri II. Le roi de Fiance l’appelait son compère et suivait en tout ses conseils. En 1551, la baronnie de Montmorency fut érigée eu duché-pairie, laveur insigne réservée jusque-là aux seuls princes du sang. Chantilly prend alors une importance extraordinaire. Anne de Montmorency y entretient une vraie cour, avec d’innombrables officiers

  1. Anne de Montmorency était le quatrième des neuf enfans de Guillaume de Montmorency et d’Anne Pot, fille de Guy Pot, comte de Saint-Pol, seigneur de Roche-pot, de Thoré, de Damvil.e, etc.