Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/396

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont-ils pas faits pour assurer à certaines catégories de fonctionnaires, dont l’appui électoral est fort recherché t des conditions exceptionnelles ? Le gouvernement appuie le plus souvent des demandes dont il n’a pas à supporter Les conséquences financières ; mais il serait incapable d’y résister si la décision dépendait de lui seul ; et le déficit deviendrait bientôt la condition normale de l’exploitation.

L’exploitation par l’état recèlera toujours un danger pour les finances. On se plaint déjà, en Italie, de l’incertitude qui résulte pour le budget de l’impossibilité de prévoir exactement l’importance des sommes à payer aux compagnies dont les subventions varient suivant le rendement kilométrique. Une incertitude bien plus grande résulterait de la difficulté d’évaluer avec précision des dépenses sur lesquelles le prix du combustible, l’usure du matériel, les accidens peuvent exercer une influence notable, et des recettes qui ressentent le fâcheux contre-coup de la stagnation des affaires, du mauvais temps et de la médiocrité des récoltes, il n’y a, du reste, rien à ajouter à cet égard à ce qu’a dit M. Lehardy de Beaulieu dans son rapport, sur le budget des travaux publics pour 1881. La citation est un peu longue, mais elle est d’un intérêt capital, car elle montre, prises sur le fait, les conséquences de l’exploitation des chemins de fer belges, et la commission d’enquête y a attaché avec raison une grande importance :

« Le budget du ministère des travaux publics, dit M. Lehardy de Beaulieu, ne ressemble que par quelques points à ceux des autres ministères. Ceux-ci sont établis sur des bases à peu près fixes, fondés sur des lois ou des règlemens peu variables de leur nature et sur lesquelles la volonté du ministre ou de l’administration ne peut avoir qu’une action éloignée, car elle doit avoir obtenu, dans la plupart des cas, une double sanction des chambres : l’une approuvant le principe de la dépense et son organisation, l’autre le chiffre et la distribution du crédit. Il en résulte que l’on peut prévoir la dépense des divers ministères, et, par suite, en dresser le budget assez longtemps d’avance : c’est pour cette raison que la loi de comptabilité a pu prescrire le dépôt, dix mois avant l’exercice, des budgets des ministères tels qu’ils existaient en 1834… » Mais il ne peut plus en être ainsi depuis qu’à la partie administrative du ministère des travaux publics s’est jointe une exploitation commerciale qui prend chaque jour des développemens plus considérables et dont les progrès, comme les temps d’arrêt et de recul, sont absolument indépendans de la volonté, de l’action, ou de la prévision du ministre ou de son administration. C’est ce que l’expérience de chaque année vient démontrer d’une façon qui ne peut plus laisser place au doute.