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équitables et même l’exécution loyale des engagemens pris vis-à-vis d’elles. Son rapporteur avait, en son nom, jeté un cri d’alarme, recommandant qu’on ne s’exposât pas à briser le ressort puissant de l’association, en condamnant d’avance à mort les sociétés qu’il serait nécessaire de constituer, et qu’on s’inspirât de l’exemple du reste de l’Europe, où 120,000 kilomètres sur 150,000 sont entre les mains de l’industrie privée.

Après avoir tenu un pareil langage, M. Genala n’était pas homme à se laisser ébranler par les clameurs de la presse, par les intrigues des bureaux ministériels, ou par les manœuvres de l’opposition parlementaire. D’ailleurs, la nécessité d’une solution était devenue urgente. Depuis que la commission d’enquête s’était réunie pour la première fois, diverses conventions de rachat avaient été conclues par le gouvernement en vue de faire rentrer dans le domaine de l’état diverses lignes concédées soit à des particuliers, soit à des provinces ; il fallait régler définitivement le sort de ces lignes ; 1,200 kilomètres de lignes nouvelles avaient été construits et n’étaient exploités qu’en vertu d’arrangemens provisoires ; d’autres lignes étaient en construction ; et cependant les provinces et les villes ne trouvaient pas qu’une impulsion suffisante fût donnée aux travaux : toutes s’autorisaient de la loi de 1879, qui avait classé près de 4,000 kilomètres, pour qu’on ouvrit des chantiers sur les lignes qui les intéressaient. Loin d’être en situation d’entreprendre des travaux neufs, le gouvernement n’avait même pas l’argent nécessaire pour pourvoir aux réparations les plus urgentes sur les lignes anciennement construites. Sur quelques lignes, les rails étaient rongés au point de compromettre la sécurité des voyageurs ; sur d’autres, les bâtimens délabrés menaçaient ruine ; le matériel roulant arrivait à un état de dépérissement honteux. Les devis dressés par les ingénieurs s’élevaient à plus de 100 millions, et chaque jour de retard ajoutait au chiffre et à l’urgence des dépenses à faire. Or le ministre des finances, qui avait dû accorder au ministre de la guerre toutes les augmentations de crédits compatibles avec le maintien de l’équilibre budgétaire, déclarait n’avoir pas un centime à donner aux travaux publics. Il ne repoussait pas moins résolument tout projet d’emprunt. Après la conclusion de l’emprunt de 644 millions, contracté pour mettre fin au cours forcé, M. Magliani avait déclaré au parlement que le grand livre de la dette italienne était fermé, et il entendait tenir cet engagement. Aussi bien, il n’y pouvait manquer sans compromettre l’œuvre qu’il avait entreprise. L’équilibre du budget était encore précaire ; le retrait du papier-monnaie ne s’opérait qu’avec lenteur ; le moindre affaiblissement du crédit public suffirait à faire sortir de la circulation une partie du numéraire et