Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/533

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

augmenter considérablement les effectifs des anciens corps. Or ces deux mesures sont fâcheuses, surtout si on ne les a pas soigneusement préparées. — Les corps de nouvelle formation manquent toujours de cohésion et de solidité. L’incorporation d’un trop grand nombre de recrues ou de réservistes affaiblit les corps permanens et amène la dissolution des meilleurs élémens dont ils sont formés. On ne doit pas se faire d’illusions à cet égard ; les anciens soldats rappelés reviennent toujours de mauvaise grâce, ils ont beaucoup oublié, se plient mal à la discipline, et ne se montrent pas très supérieurs aux recrues. — Il faut donc combiner avec art ces deux mesures ; renforcer sans excès les anciens corps et en dédoubler un certain nombre pour en organiser de nouveaux.

Une compagnie d’infanterie peut, au moment d’une guerre, recevoir un nombre de réservistes égal à celui des soldats qui la composent, si elle a ses cadres complets et un noyau d’hommes assez anciens pour avoir conservé les traditions du corps, et apprendre en rappeler aux nouveau-venus comment on campe et comment on se garde en campagne. On ne saurait sans danger en introduire davantage. L’habitude du service militaire se perd très vite et la plupart des hommes rappelés auraient besoin de faire un stage de quelques mois dans les dépôts. Avec la composition actuelle de l’armée, la médiocrité des cadres inférieurs, l’instruction du soldat reste très faible sur bien des points, celui des gardes en particulier.

La cavalerie est soumise à des exigences particulières. Le dressage des chevaux et les soins à donner à ceux du corps s’accommodent mal de la variation des effectifs. On ne peut d’ailleurs réquisitionner des chevaux de selle avec la même facilité que des chevaux de trait. Sans compter qu’il ne s’en trouve pas un égal nombre dans le pays, il faut toujours un certain délai pour les habituer aux manœuvres des escadrons, sans quoi ils pourraient y porter le désordre. On est donc obligé de maintenir la cavalerie à un effectif beaucoup plus rapproché du pied de guerre que les autres armes. C’est une dépense indispensable. Malgré cela, on pourra la compléter par l’adjonction d’un petit nombre de réservistes et adopter l’expédient de dédoubler un certain nombre d’escadrons.

Il serait très avantageux qu’on pût traiter de même les autres armes spéciales, qui exigent un assez long apprentissage. On s’efforce bien de faire entrer dans les troupes du génie une forte proportion d’ouvriers d’art, mais ils n’ont pas le même genre d’instruction et sont trop jeunes pour être bien experts dans leur métier spécial.

L’artillerie réclame un noyau d’hommes très sûrs et très expérimentés pour les fonctions de chefs de pièce, de pointeurs, et d artificiers. Les autres servans au contraire peuvent se façonner plus vite que les fantassins. Il serait à désirer qu’on s’arrangeât de