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C’est trop peu dans la plupart des cas, et il faudrait que cette durée de cinq années pût être intégralement maintenue, car il ne suffit pas que le soldat apprenne le maniement du sabre ou du fusil. La partie la plus importante de l’instruction dont il a besoin consiste à connaître les manœuvres, la vie en campagne, l’art de garder les camps et les positions sans se laisser surprendre par les ruses de l’ennemi ; celui de marcher en corps, sans s’isoler, malgré la dispersion qui résulte du service des tirailleurs ; l’attaque d’une position ; la discipline enfin et surtout la discipline morale, qui résulte de la confiance que l’on a dans la sagesse d’un chef dont on a éprouvé la prévoyance et la sollicitude. Tout cela ne s’acquiert qu’avec le temps, et c’est ce qui fait la force des armées. Ajoutez que l’homme n’est pas complètement formé avant vingt-cinq ans, et que jusqu’à cet âge il n’est pas capable, la plupart du temps, de supporter les fatigues de la vie militaire. Les troupes trop jeunes encombrent les hôpitaux, les ambulances, et, loin d’être utiles, les hommes malades ou éclopés paralysent ceux qu’on est obligé de consacrer à leur donner des soins. Pendant la dernière guerre, le baron de Goltz nous apprend que, malgré un état sanitaire très favorable, 400,000 malades entrèrent aux ambulances de l’armée allemande, en sus de 100,000 blessés. Ils y firent un séjour qui a été en moyenne de vingt jours. Beaucoup naturellement durent retourner chez eux pour compléter leur convalescence ; et combien n’y en aurait-il pas eu davantage, si cette armée avait éprouvé de sérieux revers ! Il est résulté de là un affaiblissement graduel des effectifs et un sentiment de lassitude générale, qui était très marqué au mois de janvier 1871 et faisait vivement désirer la fin de la guerre. On améliorerait beaucoup la situation, et au grand avantage de la santé publique, en retardant d’une année l’appel des jeunes soldats, afin de n’incorporer que des hommes plus robustes. La légère modification à introduire dans les lois existantes consisterait à porter de vingt et un à vingt-six ans l’âge du service actif, de vingt-sept à trente celui de la réserve ; le service de l’armée territoriale, dont l’utilité est fort secondaire, serait diminué d’un an.

Le montant déjà fort élevé du budget de la guerre, qu’on ne peut songer à augmenter encore, ne permet pas l’incorporation de cinq classes complètes, ni même de trois, à cause du nombre assez élevé des serviteurs de l’état qui ne se recrutent pas par la voie des appels. De là vient la nécessité de composer chaque contingent de deux portions, dont l’une sert en temps de paix pendant un moindre nombre d’années. La présence de la seconde portion pourrait n’être que d’un an et même de six mois dans certains corps, ce qui serait un soulagement très sensible pour le pays. Il ne