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n’ont pas besoin d’un traitement à l’hôpital, ceux qui ont perdu une partie de leur équipement par suite d’un accident quelconque, ceux enfin qui se trouvent éloignés momentanément de leur corps. Le dépôt rend un service considérable en recueillant tous ces soldats qui, par suite de leur isolement, ne reçoivent pas de distributions et dont la nécessité de vivre ferait de dangereux maraudeurs. Il les pourvoit des effets qui leur manquent et les ramène à leur corps sous la direction d’un cadre de conduite. On n’imagine pas, à moins de l’avoir expérimenté, ce qu’une armée en campagne perd ainsi d’hommes de bonne volonté par le seul fait des marches et de l’agglomération. Pendant la campagne d’hiver de 1870-71, l’armée du Nord, opérant dans un pays plantureux, et quoiqu’elle ait rarement compté plus de 30,000 hommes actifs, perdait ainsi 600 hommes par jour en dehors des combats. Ils étaient repris par les dépôts et reparaissaient dans les rangs au bout de quelques jours.

Ce rôle tutélaire, les compagnies de dépôt, telles qu’elles sont organisées, ne sauraient le remplir. En temps de paix, elles sont inutiles d’ailleurs, les recrues étant instruites dans les compagnies actives. Il faudrait donc les supprimer. A leur place, on créerait des dépôts départementaux, qui ne comporteraient en temps ordinaire que quelques gardes-magasins, mais dont les cadres seraient formés d’officiers retraités dans la localité même et de sous-officiers réservistes présens aussi sur les lieux, de manière que l’ensemble pût fonctionner dès le jour de la mobilisation. Ces dépôts recevraient les hommes appartenant à des corps quelconques, les habilleraient, les armeraient, et les feraient partir sous la direction de cadres de conduite. L’institution permettrait de composer les régimens d’hommes recrutés dans toute la France et de conserver la précieuse unité d’origine de tous les corps de l’armée. En passant dans la réserve, les soldats resteraient immatriculés dans le corps où ils ont servi et iraient le rejoindre en des endroits désignés d’avance. Ce premier travail fait, les dépôts continueraient de fonctionner comme établissemens d’instruction ; ils serviraient à maintenir l’effectif de l’armée, ce dont on ne s’est nullement préoccupé jusqu’à ce jour.

La question des remplacemens destinés à combler les vides qui se font incessamment dans une armée se lie à celle de l’effectif des compagnies. Une expérience bien ancienne, — car elle remonte au temps des Romains, — a démontré la convenance d’établir dans l’infanterie des groupes correspondant à l’unité administrative et à l’unité tactique. Celle-ci s’est appelée cohorte, bataillon ; il a toujours fallu qu’elle fût comprise entre 600 et 1,000 hommes. Moindre, elle manquait de solidité ; plus nombreuse, elle cessait d’être maniable. Pour éviter des frais d’administration trop