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nécessairement l’influence des militaires à celle des favoris. Ils préféraient la diplomatie à la guerre et l’intrigue à l’action.

Ainsi, dirigés par des motifs divers, tous ceux qui tenaient les fils dans ces conjonctures critiques se trouvaient disposés aux négociations : Dumouriez, pour gagner du temps et attendre ses renforts ; les alliés, pour se tirer d’une affaire qui leur semblait inextricable, s’épargner de nouvelles dépenses et s’assurer plus vite leurs indemnités ; les émigrés, enfin, pour hâter l’événement et décider leur succès. Ils prenaient leurs mesures pour circonvenir Dumouriez, comptant fort sur l’intervention de la baronne d’Angelle. C’était l’évêque de Pamiers qui menait ce petit complot. Il s’agissait d’obtenir de Dumouriez que, dans le cas où son armée serait repoussée sous Paris, il se prononcerait pour Louis XVI. « Je ne sais point, écrivait le baron de Breteuil, de bornes à mettre aux gains que Dumouriez pourrait demander pour lui et ses adjoints en pareille circonstance. » Ils affectaient, d’ailleurs, de conserver dans l’issue de l’entreprise une imperturbable confiance. « Il ne restait plus qu’une bataille à gagner, rapporte Bertrand de Molleville, bataille que le mauvais temps empêchait de livrer ; mais je n’avais pas le moindre doute que, le jour où la pluie cesserait, l’armée de Dumouriez ne fût taillée en pièces. L’impatience de voir arriver ce beau jour me réveillait. » Le baron de Breteuil le croyait prochain. Les Prussiens marchent sur Paris, écrivait-il à Fersen le 12 septembre, « M. le duc de Brunswick ne compte s’arrêter à Valmy, où il sera dans quatre jours, que le temps qu’il lui faudra pour renouveler et assurer les vivres de son armée. » Brunswick arriva, en effet, à Valmy à peu près au jour dit ; mais il y trouva Kellermann, qu’il ne s’attendait point à y rencontrer.


II

Le soir du 19 septembre, Kellermann s’était établi sur les hauteurs de Valmy. Ses troupes étaient entassées sur un étroit plateau où il n’avait pas les moyens de les déployer. Il disposait d’environ 20,000 hommes, et se trouvait assez éloigné de l’armée de Dumouriez, qui présentait alors un effectif de plus de trente mille soldats. Les Prussiens, qui en comptaient 40,000, se trouvaient entre eux et la route de Paris ; les Français se plaçaient entre l’ennemi et la frontière : les deux adversaires s’étaient tournés l’un l’autre. Le roi de Prusse prétendit couper les Français de leurs communications, et, craignant que Dumouriez ne lui échappât une seconde fois, il ordonna d’occuper, le 20 septembre, la route de Châlons. Les Prussiens se mirent en marche le matin, par un brouillard