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part et d’autre, on était donc disposé à reprendre la conversation ; mais il fallait un prétexte, un moyen de renouer le fil rompu par le manifeste de Brunswick et la dénonciation de l’armistice. L’arrivée de Benoît et de Westermann en fournit l’occasion. Le conseil exécutif, à son tour, inclinait vers les négociations.


III

Danton avait été nommé député à la Convention ; le 21 septembre, il déclara se démettre de ses fonctions de ministre, mais il les exerça jusqu’à l’installation de son successeur, Garat, qui, nommé le 10 octobre, n’accepta que le 12. Lors même d’ailleurs qu’il ne siégea plus dans le conseil, il continua d’y dominer. Tous les témoignages confirment ce jugement de Michelet : « En lâchant le ministère, il n’avait rien lâché… Il conservait les fils de la diplomatie et de la justice… On pouvait croire que le dictateur n’était plus à trouver, qu’il existait déjà, ce roi de l’anarchie… » C’est le 25 septembre que le conseil reçut les lettres apportées par Westermann et prit connaissance des Points essentiels posés par Manstein. D’après une tradition recueillie par l’auteur des Mémoires d’ un homme d’état et admise par la plupart des historiens, Danton se prononça pour les négociations : il ne s’agissait point, selon lui, de conclure un traité en forme, mais une convention secrète et toute militaire, en vertu de laquelle les Prussiens se retireraient ; le but de la guerre serait atteint, et cette retraite, qui passerait pour une déroute, découragerait les émigrés. Les documens[1] nous prouvent que le conseil désirait négocier. Sans accorder « beaucoup de croyance à la sincérité des ouvertures faites par le roi de Prusse, le conseil exécutif, écrit Lebrun, était cependant dans l’intention de ne pas les repousser. » Sur le premier et le troisième des articles indiqués par Manstein, le maintien de Louis XVI sur le trône et sa mise en liberté, il n’y avait point de conciliation possible ; mais en serrant de près, en sollicitant avec insistance le texte du premier article, le conseil en retirait « l’aveu formel de cette base fondamentale de la république,.. la souveraineté de la nation française. » —… « En demandant Louis XVI comme un représentant avec lequel il pût traiter, le roi de Prusse, par une contradiction bizarre, faisait une demande conforme à ce qu’avait établi la constitution contre laquelle les puissances liguées avaient pris les armes et dont elles

  1. Procès-verbal du conseil exécutif, 36e séance. — Lebrun à Dumouriez, 26 septembre. — Lebrun à Noël, 28 septembre.