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L’ingénieur du Mont-Blanc, qui n’a fait que des études sommaires, que plus tard l’ingénieur en chef de la Haute-Savoie a, il est vrai, approuvées, estime la dépense totale à 80 millions, dont 12 pour les 30 kilomètres de la sortie du tunnel à Aoste, qu’il estime à 400,000 francs le kilomètre, et 4 millions pour une section de 26 kilomètres d’Ivrée à Santhia, qu’il estime à 150,000 francs le kilomètre ; mais il passe sous silence la ligne d’Aoste à Ivrée sur la section italienne, comme celle d’Albertville à Chamonix sur la section française, de sorte que le chiffre de dépenses qu’il présente est certainement plus qu’insuffisant. Des opposans, des contradicteurs, les promoteurs du Simplon le portent à 180 millions pour toute la ligne à exécuter, et c’est à peine assez. Il est certain que, tant du côté français que du côté italien, une certaine partie des travaux incombera naturellement aux gouvernemens ou aux compagnies intéressées et que tout ce qui restera à faire, ce sera la traversée du Mont-Blanc de Chamonix à Aoste ; mais là le projet est encore moins étudié et encore plus dans les nuages que celui du Simplon, et ne sera probablement jamais entrepris.

Le Grand Saint-Bernard. — L’idée du percement de ce col particulier des Alpes a germé, on peut le dire, dans la tête d’un seul homme, M. le baron de Vautheleret, qui l’a faite sienne, qui la défend activement, ardemment, par les livres, les brochures, le journal, les cartes, les plans, même en relief, enfin par les conférences publiques, notamment devant la Société des ingénieurs civils ou la Société de topographie. Il a même créé pour cela un journal spécial : l’Organe des mines, canaux et chemins de fer. Il propage son affaire non-seulement à Paris, où il a établi des bureaux et fondé une compagnie d’études, une sorte de société civile, avec quelques associés qu’il a intéressés à ses projets et qui lui ont fourni les premiers capitaux nécessaires ; mais encore en divers endroits, dans quelques grandes villes, comme à Boulogne, à Besançon, à Turin. Il fait partout des conférences, il entretient publiquement les autorités, les sociétés savantes, et l’on parle par instants de lui avec de grands éloges dans les gazettes des localités où il passe. N’annonce-t-il pas avec un patriotisme ardent qu’il faut lutter contre le Saint-Gothard ?

Son projet consiste à réunir les réseaux français, suisse et italien par un tunnel passant, non pas précisément sous le col du Grand-Saint-Bernard, mais sous le col Ferret, qui en est voisin. Nous ne croyons pas qu’il ait dépensé beaucoup d’argent ni de temps pour établir ses devis et ses avant-projets, qui ont quelquefois varié, comme ceux du Simplon. Les mauvaises langues prétendent qu’il est monté une seule fois en voiture au col Ferret avec