Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/645

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il a pour lui les Piémontais, naturellement. Ayant la parole chaude, expressive et facile, dans toutes les sociétés savantes ou autres devant lesquelles il a parlé, il a souvent provoqué les applaudissemens ; mais c’est un pur théoricien. Le dernier projet dont il vient de faire part au public va de Martigny, dans le canton du Valais, à Aoste, en Piémont, sur une longueur de 139 kilomètres, y compris le tunnel de 9,485 mètres, qu’il creusera, dit-il, au moyen de quatre puits. Son devis estimatif comporte, sur ces données, une dépense totale de 86 millions de francs seulement, moyennant quoi il prétend gagner, de Calais ou de Paris à Plaisance, sur le Mont-Cenis, 118 kilomètres, sur le Saint-Gothard 96, et sur le Mont-Blanc 92. En un mot, ce serait, d’après lui, la route la plus courte, la plus économique, la plus sûre, la meilleure.

Ce projet et celui du Mont-Blanc peuvent marcher de compagnie ; car on n’ouvrira certainement ni l’une ni l’autre de ces voies, où les lignes d’accès ne sont pas encore faites ni à faire. Le Grand-Saint-Bernard serait, du reste, comme le Mont-Blanc, une superfétation de la ligne du Mont-Cenis, et tous les deux tomberaient en Piémont, comme le Mont-Cenis, mais plus mal, n’aboutissant à aucun chemin de fer déjà exécuté. M. de Vautheleret a tort d’aillleurs d’appeler son projet une ligne exclusivement française ; c’est le Mont-Blanc seul qui mérite ce titre. La ligne du Grand-Saint-Bernard commencerait en Suisse, à Martigny, et finirait à Aoste, en Piémont. À ce compte, et pour nous, elle n’est pas plus favorable que celle du Simplon.

Le Petit-Saint-Bernard. — Tous les cols ont leur place dans ces projets, même le Petit-Saint-Bernard, auquel d’aucuns ont pensé, ne fût-ce que pour le mettre en parallèle et en concurrence avec le Grand-Saint-Bernard ; mais il est encore plus rapproché du Mont-Cenis que l’autre. Divers projets consisteraient à faire un tunnel à 923 mètres d’altitude ou un autre à 1,200 mètres ; le premier aurait 20 kilomètres de long, le second 12 ou 13. D’autres prétendent aussi passer sans tunnel par la vallée de l’Isère et se rendre à ciel ouvert, en tramway, d’Albertville, en Savoie, au val d’Aoste, en Piémont. Certes, ce serait là une autre voie essentiellement française, comme celle du Mont-Blanc, et l’on dit que les députés de la Savoie y sont favorables. Il n’en est pas moins probable que l’on ne fera rien non plus de ce côté, car les Alpes sont déjà suffisamment percées, à l’ouest par le Mont-Cenis, au nord par le Gothard, à l’est deux fois, par le Brenner et par l’Arlberg.

La nécessité d’un moment d’arrêt, de suspension se fait d’ailleurs sentir dans les dépenses qu’exigent en France les travaux publics, et qui sont souvent exagérées, même quelquefois inutiles. Si l’on