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rassembler ses doctrines dans un livre longuement médité. Telle fut l’origine de l’ouvrage de Re anatomica. — Colombo avait soixante-quatre ans lorsqu’il en commença l’impression en 1558. Il mourut brusquement avant qu’elle fût achevée, dans la seconde moitié de l’année 1559, et ce furent ses deux fils, Lazare et Phœbus, qui donnèrent les derniers soins à cette publication, préparée depuis plusieurs années, comme ils le disent eux-mêmes dans la dédicace qu’ils s adressent au pape Pie IV.

On nous excusera d’avoir parlé si longuement de la découverte de la circulation pulmonaire : nous en avons donné par avance les raisons en rappelant qu’elle a sonné, dans la nuit où étaient plongées les sciences, l’éveil de la méthode expérimentale. Il y a un mot de plus à dire. Le procès qui se débat entre le théologien Michel Servet et le physiologiste Realdo Colombo n’intéresse pas seulement la personne des inventeurs, mais les conditions mêmes de l’invention. Il n’y a qu’une méthode qui mène à la vérité scientifique, c’est, comme l’a dit Newton, d’y beaucoup penser. Servet était plus préoccupé de la doctrine d’Arius et des deux Socin que de la physiologie du cœur et du poumon ; et la théologie a fait à la fois sa célébrité et son malheur : Colombo, au contraire, a beaucoup pensé à la circulation pulmonaire et c’est lui qui l’a découverte.


II. LA CIRCULATION GÉNERALE, — HARVEY.

La découverte de la circulation du sang dans le poumon entraîne presque nécessairement la connaissance de la circulation dans tous les autres organes, c’est-à-dire de la circulation générale. Mais, outre que la doctrine de Realdo Colombo ne devait pas s’établir sans difficulté, ses conséquences non plus ne devaient pas apparaître tout d’abord. Ni Colombo, ni Servet, ni d’autres ne les virent. Il fallut attendre près de soixante-dix ans avant que Harvey les mît dans tout leur jour. Nous pouvons être sobres de détails sur cette période. Elle a été racontée en Angleterre, en Allemagne, en Italie par les historiens de la physiologie, et en France par Flourens, Milne Edwards, Ch. Richet, et d’autres encore, dans des livres désormais classiques. Deux ou trois points essentiels en sont toutefois à reprendre.

Ce que Realdo Colombo avait découvert pour l’organe respiratoire se produit pour tous les autres. Chacun reçoit le sang venu du cœur par une artère divisée en nombreux rameaux et il le renvoie dans les racines et le tronc des veines. Il y a ainsi, pour chaque département du corps, une artère qui sert de voie d’aller et une veine qui sert de voie de retour. Entre ces deux vaisseaux principaux existe un réseau ininterrompu formé par les dernières divisions artérielles qui rejoignent les premières divisions