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vers l’âge de vingt ans. Il y séjourna quatre années, de 1598 à 1602. Il connut Césalpin, à Pise ou à Rome ; il étudia à Padoue sous Fabrice d’Acquapendente. Auprès de ces maîtres il puisa le goût des recherches et surtout l’exact sentiment de la méthode expérimentale. De retour en Angleterre, il devint membre du College of physicians en 1604, médecin de l’hôpital Saint-Barthélémy en 1609, et, quatre ans plus tard, professeur d’anatomie au Collège royal. Bientôt après, et certainement avant l’année 1620, il commença d’enseigner publiquement la circulation devant ses élèves et devant ses collègues, et, comme il le déclare lui-même, il « la confirmait par des expériences directes, la complétait par des raisonnemens et des argumens et il la défendait dès lors contre les objections des plus illustres et des plus habiles anatomistes. » Après avoir ainsi préparé longuement les esprits à la hardiesse de sa doctrine, imitant en cela la conduite de Realdo Colombo, il se décida à publier le livre « que tous désiraient. » C’est en 1628 que parut le Traité anatomique sur les mouvemens du cœur et du sang chez les animaux, ce petit livre de cent pages qui est, selon Flourens, « le plus beau livre de la physiologie. »

Qu’y avait-il dans cet ouvrage que ne lui eussent appris les maîtres italiens ? Rien d’essentiel, disent ses adversaires. Les découvertes véritables, si nous voulons les en croire, elles appartiennent à Realdo Colombo, qui reconnut le circuit du sang dans le poumon ; à André Césalpin, qui enseigna la direction du courant dans les vaisseaux ; à Jérôme Fabrice, qui découvrit les valvules des veines. Pendant son noviciat médical en Italie, Harvey avait appris tout cela, et il ne s’en cache point, sauf en ce qui concerne Césalpin, dont il ne dit mot. Mais, dans son livre si court, il cite quatre fois Colombo en termes élogieux ; il cite de même quatre fois Jérôme Fabrice, son maître, « très habile anatomiste et vénérable vieillard, » et il lui attribue d’avoir « d’abord décrit et représenté les valvules membraneuses des veines, » tandis que Riolan, en France, réclamait cette observation pour Jacques Dubois, plus connu sous son nom latinisé de Silvius, et que quelques auteurs, plus tard, devaient en faire honneur à Charles Estienne, le frère du célèbre imprimeur Robert Estienne. Or, sur ces trois notions repose tout l’édifice de la doctrine, et comme aucune d’elles n’est l’œuvre de Harvey, ses adversaires italiens ont cru pouvoir déclarer avec Zecchinelli que ce grand homme n’a été « que le démonstrateur et non l’inventeur de la circulation. »

En dépit de ces argumens d’une réelle valeur, la postérité a donné tort aux détracteurs de Harvey : de bons juges lui maintiennent la découverte de la circulation. Il faut essayer de comprendre