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expérimentale : Harvey détrônait Galien. L’idée s’accrédita dès lors que, dans ce domaine de la physiologie, la découverte fondamentale étant faite et le filon principal épuisé, il n’y aurait plus de pépites, mais seulement des paillettes à recueillir. Les travaux de Claude Bernard, complétés par quelques contemporains, devaient faire mentir ces prévisions. Par les clartés inattendues qu’elle a jetées sur les mécanismes et sur le but même de la circulation, sur la nutrition et la chaleur animale, et enfin sur le système nerveux, la découverte des circulations locales et de leurs instrumens, les nerfs vaso-moteurs, a renouvelé la physiologie et révolutionné la pathologie elle-même.

Pour comprendre ce progrès important de la science contemporaine, il faut retourner de quelques pas en arrière et revenir à ces chercheurs de paillettes dont nous parlions tout à l’heure. Leurs trouvailles ne sont pas à dédaigner. La théorie de la circulation, fixée dans ses traits essentiels, restait à connaître dans ses mécanismes particuliers : il fallait, par des recherches attentives d’anatomie et par des expériences souvent difficiles et ingénieuses, déterminer la structure et le rôle de chaque partie. La matière fut divisée en cinq départemens principaux, et l’on étudia la constitution, les propriétés et le mode de fonctionnement du cœur, des artères, des veines, des capillaires et du sang lui-même. De tout ce travail scientifique qui a alimenté des publications considérables, on ne peut rappeler ici que les résultats essentiels et insister sur le caractère général qu’ils présentent. Dans la période qui s’étend de la fin du XVIIe siècle jusqu’au milieu du nôtre, les travaux sur la circulation présentent tous ce trait d’appartenir presque autant à la mécanique qu’aux sciences naturelles. Une pompe, le cœur ; des canaux, les artères et les veines ; des écluses et des clapets, les valvules ; un liquide en mouvement, le sang, dont les pressions aux différens points étaient mesurées au manomètre, et les vitesses avec l’hémodromètre : tel était l’appareil circulatoire. Il fallait, pour l’étudier, unir les connaissances de l’ingénieur hydraulicien à celles de l’anatomiste et du physiologiste. L’iatro-mécanicisme trouvait ici une application nécessaire.

On connaît cette doctrine dont Descartes avait posé les fondemens et formulé les principes. Les corps vivans et le corps humain sont des mécanismes : ce sont des machines montées, formées de rouages, de ressorts, de leviers, de pressoirs et de cribles, de tuyaux et de soupapes fonctionnant suivant les lois de la mécanique des solides et des liquides. Quant à l’âme, étrangère à ce qui se passe, elle assiste en simple spectatrice à ce qui s’accomplit dans le corps. Les