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du projet de vinage présenté par M. Bernard-Lavergne. Nous ne demandons pas mieux que de suivre les précieuses indications du glucomètre de Baume, répondent les intéressés ; vous nous donnez un excellent conseil ; et nous nous empresserons de le suivre aussitôt que vous nous en aurez fourni les moyens en dégrevant les sucres qui nous sont indispensables. Le vinage présente, dites-vous, certains inconvéniens, vous le repoussez même à titre exceptionnel ; facilitez au moins le sucrage, dont les avantages sont reconnus par tout le monde ; nous pourrons alors sauver nos vins faibles de la destruction et donner à nos gros vins les qualités sans lesquelles ils seront toujours primés par les vins étrangers, dont le titre alcoolique a été élevé par le vinage avant de traverser la frontière.

Ces observations sont fort justes. La France produit surtout des vins modérément chargés d’alcool, qui varient, dans les meilleures années, entre 8 et 10 degrés ; sauf quelques crus exceptionnels, les pins chargés marquent à peine 12 degrés à l’appareil de Salleron. Notre climat le veut ainsi, et les négocians le savent si bien qu’ils achètent de préférence, au-delà des frontières, des liquides vinés jusqu’à 15° 9. Pendant longtemps encore, ils useront de la latitude qui leur est accordée par la loi ; la chambre ne peut l’ignorer. Aussi avons-nous la ferme espérance qu’elle ne se refusera pas à voter le dégrèvement absolu des sucres destinés aux vendanges, le jour très prochain, peut-être, où cette mesure sera présentée à la tribune comme un palliatif de nos désastreux traités de commerce.

Malgré la compétence des hommes chargés de les élaborer, ces traités, destinés à régler les conditions de nos échanges internationaux, ont-ils produit les résultats attendus ? Maintenant qu’ils ont été soumis à la sanction d’une expérience de plusieurs années, la preuve qu’ils nous sont funestes n’est, hélas ! plus à faire ; il s’agit donc, pour nous, d’en atténuer la portée dans les limites du possible. Un physiologiste, après avoir absorbé une substance toxique pour étudier ses effets, hésite t-il à vider le verre qui contient le contre-poison ? Le libre échange nous ruine ; nous sommes envahis par les produits étrangers ; au lieu de gémir et de courber la tête, commençons d’abord par écarter résolument toutes les causas intérieures de notre infériorité relative. Il ne suffit pas, en effet, de développer les qualités commerciales de nos vins, il faut aussi tirer parti de toutes nos ressources pour augmenter la production nationale. Après le soutirage du vin, il reste au fond des eus es des marcs qu’une première fermentation n’a pu épuiser complètement ; ils contiennent peu d’alcool, il est vrai, mais ils sont