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tout. Il est vrai que les révisionnistes auront le moyen et l’occasion de compléter leur ouvrage. Ils vont pouvoir supprimer l’article constitutionnel qui ordonne des prières publiques à l’ouverture des sessions et même proclamer, à propos d’un autre article, l’éternité de la république. De sorte que, depuis quelques semaines, on a prononcé bien des discours, on a fait bien du bruit pour arriver à supprimer les prières publiques et à créer 27,000 électeurs sénatoriaux de plus ! N’est-on pas frappé de cette choquante disproportion entre les dangers qu’on a créés, les incertitudes qu’on a répandues partout, et un si médiocre résultat ? C’était bien la peine de tout agiter pour finir ainsi, lorsque, avec un peu plus de sang-froid et de raison, on aurait pu reconnaître que ce qu’il y avait à réformer, ce n’était pas la constitution, c’était la politique, qui fausse tout, qui altère tout, la constitution elle-même, l’administration publique et les lois, dans un vulgaire intérêt de domination de parti.

Au lieu de perdre le temps à faire ce que M. le président du conseil a appelé des a réparations, » — des réparations peu sérieuses, d’une utilité douteuse, dans une constitution qui suffisait telle qu’elle était, mieux vaudrait, certes, s’occuper des grands intérêts publics, qui ont besoin d’une protection vigilante et assidue, mieux vaudrait garder ce qu’on a de crédit et de volonté pour assurer au pays une administration, équitable et éclairée à l’intérieur, pour mener enfin à un dénoûment toutes ces entreprises où la France est engagée au loin, au Tonkin, à Madagascar.

Les affaires de ce genre ne s’achèvent pas en quelques jours ni en quelques mois, nous le savons bien ; elles durent cependant depuis assez longtemps pour qu’on ait pu, si on l’a voulu, se faire des idées précises, se tracer un système de conduite, et le fait est qu’en dépit de toutes les déclarations officielles, il est quelquefois assez difficile de saisir le caractère et les limites de la politique que le gouvernement prétend suivre dans ces régions lointaines. On ne sait pas même bien au juste, à l’heure qu’il est, dans quels termes sont nos rapports avec la Chine après les derniers incidens, après la meurtrière échauffourée dont nos soldats ont été les victimes sur la route de Lang-Son. Que M. le président du conseil ait vu, dans l’acte de guerre et d’agression accompli par des forces chinoises contre nos soldats, une violation du traité de Tien-Tsin et qu’il en ait aussitôt demandé compte au gouvernement de Pékin en réclamant, par voie d’ultimatum, une réparation et une indemnité, rien de plus simple et de plus légitime ; M. le président du conseil a fait son devoir comme ministre des affaires étrangères, chargé de sauvegarder la dignité de la France. Une première satisfaction paraît du reste avoir été accordée par la Chine au sujet de l’intégrité et de l’exécution du traité de Tien-Tsin, et cette première satisfaction sera vraisemblablement suivie d’une réparation plus complète,