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sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours aux armes, d’employer l’escadre de l’amiral Courbet. Il resterait à savoir dans quelles circonstances a pu se produire cette échauffourée de Lang-Son, qui a remis un instant en doute la paix avec la Chine, quels étaient les termes précis de l’acte diplomatique de Tien-Tsin, comment des soldats chinois pouvaient se trouver encore sur la frontière. Tout cela reste provisoirement vague. Ce qu’il y a de certain, c’est que, s’il y a eu de la part de la Chine une agression accidentelle ou préméditée, pour laquelle on a justement demandé réparation, il a dû aussi y avoir quelque imprévoyance de la part du commandant en chef de notre corps expéditionnaire. Évidemment, avant de mettre six ou sept cents hommes en marche sur Lang-Son, le chef de notre petite armée aurait dû être au courant de l’état de la place, des forces qui s’y trouvaient. S’il ne le savait pas, il était en faute ; s’il le savait, il était deux fois en faute en expédiant des forces insuffisantes. La vérité est qu’après quelques succès que l’amiral Courbet lui avait d’avance facilités, M. le général Millot paraît exercer ses fonctions assez légèrement, et en prendre un peu à l’aise, soit avec ses lieutenans, soit avec les officiers de la marine française qui sont sous ses ordres, dont il ne peut disposer néanmoins que selon les règles de la hiérarchie. C’est un chef d’armée improvisé qui, avec ses procédés, ne tarderait pas à compromettre nos intérêts et à provoquer des incidens. Le seul moyen d’éviter les confusions et les faux mouvemens qui peuvent avoir souvent les plus graves conséquences, c’est de donner aux chefs militaires qu’on envoie des instructions précises, d’avoir une politique nettement définie, de savoir ce qu’on veut et de ne pas rester sans cesse à la merci d’un hasard décidant d’une résolution, engageant à l’improviste le pays.

Ce qui est vrai du Tonkin du reste l’est au moins autant de Madagascar, où la France a déjà depuis longtemps des forces, où elle occupe quelques points avec l’intention d’appliquer ce qu’on appelle aujourd’hui la politique coloniale. La France a des droits déjà anciens sur Madagascar, elle veut les exercer, et c’est pour cela qu’elle a envoyé des forces, placées pour le moment sous les ordres de M. l’amiral Miot. La question est seulement de savoir dans quelle mesure elle se propose d’appliquer sa nouvelle politique coloniale, jusqu’à quel point elle veut se laisser entraîner, pour vaincre les résistances qu’elle rencontre dans une partie de la population de l’intérieur, dans la peuplade indépendante et remuante des Hovas. Il y a quelques mois déjà une première discussion avait lieu au Palais-Bourbon, et elle attestait avec un certain éclat l’accord du gouvernement et du parlement pour maintenir et exercer les droits de la France sur la grande Ile de l’Afrique orientale. Il n’y a que quelques jours, une nouvelle discussion s’est produite à propos d’un crédit de cinq millions demandé par M. le ministre de la marine pour l’expédition de Madagascar, et le crédit a