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un traité de paix après de longues hostilités. La guerre de vingt ans de l’église et de l’université se terminait par un partage du territoire en litige, c’est-à-dire de l’enseignement. Aussi l’instrument diplomatique, la loi qui consacrait les conditions de cet accord, est-elle réellement sortie des négociations menées en dehors de la chambre, dans la grande commission, où sous l’arbitrage et la présidence de M. Thiers, représentant les intérêts de l’état, siégeaient les représentai de l’église, tels que M. Dupanloup, et ceux de l’université, tels que Cousin et Saint-Marc Girardin.

De là les mérites et aussi les défauts, de là le fort et le faible de la loi de 1850. C’était un traité de paix entre deux puissances rivales en face d’un ennemi commun, et, comme il arrive de la plupart des traités, celui-là n’était sûr d’être respecté qu’autant que la force et les intérêts des deux parties contractantes resteraient à peu près dans la même situation. En pareil cas, un traité ou un acte législatif a d’autant plus de chances de durée qu’il paraît moins léonin, que les vainqueurs du jour s’y font concéder moins d’avantages. C’est malheureusement ce que, aux heures de triomphe, oublient presque toujours les partis ou les peuples. Il eût ainsi été peut-être plus politique de la part des catholiques de ne pas pousser aussi loin leurs conquêtes, de montrer moins d’exigences, de s’en tenir strictement à la liberté, en répudiant tout ce qui avait l’air d’un privilège. A cet égard, la loi de 1850, comme plus tard, bien qu’à un moindre degré, la loi sur l’enseignement supérieur de 1873, était pour les catholiques un triomphe trop complet pour être longtemps toléré du pouvoir civil. Plusieurs articles étaient une sorte d’imprudence de la part de ceux qui les avaient fait insérer, l’ensemble de la loi risquait d’en être tôt ou tard compromis. Telle était, par exemple, la place prépondérante faite au clergé dans les conseils de l’instruction publique, que la loi, du reste, avait le mérite de rendre électifs. Telle était surtout la dispense de diplôme accordée aux congréganistes. Une telle inégalité ne pouvait se concevoir que pour une période de transition. Le privilège de la lettre d’obédience était trop manifeste pour être longtemps accepté ; ce qu’il y a d’étonnant, c’est qu’il ait duré trente ans.

Une chose certaine, c’est que cette loi de 1850, dont le principal avantage était de substituer la concurrence au monopole, devait rester la plus favorable à l’église que les catholiques aient connue dans ce siècle. Ils n’en reverront assurément jamais de pareille en France. Or, cette loi qui nous semble si propice aux intérêts religieux, les catholiques furent loin d’en être tous satisfaits. Plusieurs, et non des moins écoutés, la trouvèrent insuffisante, nuisible même. Cette charte d’émancipation de l’enseignement, ainsi que l’appelait