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qu’avec de l’argent, des subsistances, des munitions et l’appui de la Hollande. L’expédition de la Hollande est abandonnée, au moins jusqu’à nouvel ordre ; ainsi, les Pays-Bas sont au premier occupant. La position de Louvain est détestable. Si je me retire sur Malines, j’abandonne Bruxelles et je suis tourné par mon flanc droit. Si je me retire sur Bruxelles, je suis découvert sur Mons, et l’ennemi peut pénétrer dans le département du Nord, dont les places ne sont approvisionnées ni en munitions, ni en troupes, ni en généraux. Si je me partage en deux corps, indépendamment du troisième corps de 15 à 20,000 hommes qui couvre Anvers, je suis faible partout, car la plupart des bataillons, depuis l’hiver, par la désertion et les congés, sont réduits à 150 ou 200 hommes, et je risque d’être battu des deux côtés. Alors l’ennemi pénètre facilement dans le département du Nord, et rien ne s’oppose à ce qu’il force une de nos places et à ce qu’il arrive à Paris. J’ai lieu de croire que le prince de Cobourg a été considérablement renforcé, et tous les rapports font monter son armée à plus de 70,000 hommes. J’en ai tout au plus 35,000, et malheureusement, ce ne sont plus les hommes de Jemmapes ; ils sont découragés, sans discipline, et ils manquent de tout.

J’envisage ensuite l’état intérieur de la république. Je vois, par tous les rapports qu’on fait à la Convention, la guerre civile prête à éclater et déjà en train dans les départemens de la Vendée, des Deux-Sèvres, de la Loire-Inférieure et du Morbihan. Les départemens de l’ancienne Normandie, du Pas-de-Calais, du Nord, de la Somme et de l’Aisne, sont au moins très tièdes, et il faudrait des troupes pour les contenir et les rassurer. Dans cet état de choses, vous jugez que le recrutement de l’armée ne peut aller que très lentement, puisque les hommes en état de porter les armes dans tous ces départemens vont y rester pour se surveiller ou pour se combattre. Voilà le côté politique de la France ; quant au côté militaire, il est infiniment dangereux. Vos places du département du Nord et du cours de la Meuse sont à peu près en état de défense ; mais elles n’ont ni garnison ni armée pour les soutenir, et la facilité de mon invasion en Hollande prouve que les places les plus fortes ne se défendent pas toutes seules. Condé, Valenciennes et Lille sont sans garnisons. Les lignes qui peuvent seules défendre Dunkerque ne sont sûrement pas encore réparées, et, en tout cas, il y faudrait au moins 5 ou 6,000 hommes et même davantage si les Anglais nous menaçaient.

Voilà bien des motifs pour évacuer les Pays-Bas, pour nous remettre derrière nos places et veiller à la sûreté des départemens de l’intérieur… Si j’avais des troupes bien manœuvrières, bien disciplinées et qui eussent tous les approvisionnemens dont manque l’armée, je me porterais rapidement sur une des divisions de l’armée ennemie ; je la