Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/844

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et la salle du tombeau, n’ont pour toit que le ciel bleu, qui complète la douce harmonie des murs plaqués de faïence en y laissant pénétrer une grande lumière. Les chapiteaux des fines colonnettes sont presque tous byzantins, tous variés de couleurs, de matières différentes. Le dallage est de marbres noirs et blancs recouverts de nattes ; les stucs des arabesques sont de ce pur style mauresque si géométrique et pourtant si gracieux. Groupés autour de ces nombreux bâtimens de la mosquée, sont ceux du séminaire, important centre d’instruction musulmane. En ce moment, ils sont vides, car on répare leurs vétustés croulantes.

On ne sait, à vrai dire, ce qui est vieux ou récent, dans ce pays d’autrefois, où tout semble neuf sous la couche perpétuellement renouvelée de chaux blanche, où tout paraît ancien cependant, tellement les habitudes, les situations, les mœurs ont peu changé depuis douze siècles, où tout s’effondre lorsqu’on y touche et ne demeure debout que par quelque miracle d’équilibre ou de hasard.

Le neveu du gouverneur, un bel Arabe, très courtois, très obèse, richement vêtu d’une gandoura vert tendre sur des gilets roses, nous a fait les honneurs de la mosquée, nous introduisant même jusque dans la salle sacrée du tombeau où est enseveli le saint compagnon du Prophète, muni encore du sachet qui contient trois poils de la barbe vénérée de Mahomet. La grille en est tout ornée de drapeaux, d’oriflammes brodées d’ex-voto, de souvenirs rapportés de La Mecque par les fidèles. La petite salle, du reste, n’a aucun caractère remarquable. Sa coupole est décorée d’arabesques, et, sauf quelques jolis panneaux de faïence persane très grossière qui alternent avec le revêtement de marbre noir et blanc des murs, l’ornementation en est assez ordinaire. Les jours de fête, on en recouvre le dallage d’effroyables tapis de moquette française, qui nous sont montrés avec orgueil et nous font grincer des dents. Les Arabes ont une inexplicable partialité pour ces productions européennes, et c’est grâce à cette aberration qu’ils se débarrassent de leurs anciennes et merveilleuses tentures, qui font alors notre luxe et notre joie.

Avant de rentrer en ville, l’aimable colonel C.., qui veut bien nous escorter dans notre promenade, nous mène dans la campagne auprès d’un des plus beaux restes de l’art arabe qui se puissent voir. C’est une citerne gigantesque, digne d’être romaine, et que, depuis deux ans, les troupes françaises sont en train de déblayer et de restaurer. Elle est oblongue, à ciel ouvert, véritable lac de 100 mètres de diamètre. Au centre, une haute colonne de maçonnerie; tout autour, une épaisse muraille soutenue par des contreforts énormes. L’aspect en est grandiose. Remise en usage, recevant