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CORVEE MATINALE


24 août 1883.

C’est de grand matin, en Annam, dans une baie de côte. — Notre bâtiment est mouillé au large. — Mon tour de corvée m’appelle à me rendre dans une petite ville qui doit être là quelque partit qui se nomme Tourane.

Il s’agit d’y prendre le chef mandarin et de l’amener à bord faire sa visite de soumission, afin que des relations amicales puissent s’établir ensuite entre nous et cette province qu’on nous a donnée à garder.

La baie est belle et vaste. Elle est entourée de très hautes montagnes sombres, excepté au fond, où il n’y a qu’une bande de sable toute plate, — comme un morceau d’un autre pays qu’on aurait mis là, faute de mieux, pour finir.

Et c’est dans ce fond, parait - il, dans cette plaine, que nous devons trouver Tourane, au bord d’une rivière dont nous ne voyons pas encore l’entrée.

Six gabiers, qu’on m’a laissé choisir, m’accompagnent dans cette entreprise. Vrais matelots, de bonne race et puis très bien armés : de quoi imposer à toute une ville d’Asie.

Il fait petit jour. Nous partons en baleinière.

Aucun de nous n’a jamais vu Tourane, et c’est amusant d’aller ainsi, au réveil, faire la loi dans cet inconnu.

Les montagnes ont accroché avec leurs cimes des nuages qui leur