Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/900

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

graviterait notre système tout entier. Cette année aurait elle-même des étés et des hivers dont il faudrait mesurer la durée par des myriades de siècles et qui reparaîtraient à des époques déterminées, représentées par des périodes de chaleur et de froid : « La période miocène correspondrait à un été et la période glaciaire à un hiver de cette année solaire. » Mais qui ne voit combien est fragile un pareil échafaudage ! Où sont les traces, au-delà du miocène, des hivers et des étés antérieurs de cette prétendue année ? Il ne saurait être question d’alternatives périodiquement survenues. On se trouve en présence d’une élévation de température originaire, suivie, nous allons le voir, d’un abaissement progressif qui, une fois inauguré, ne s’est plus arrêté. En réalité, l’hypothèse invoquée par Heer ne s’applique utilement, ni à la chaleur humide et universellement répandue qui régnait à l’origine des êtres organisés, ni à la décroissance graduelle de cette chaleur initiale, ni enfin au refroidissement polaire qui, à partir de ses premiers débuts, mit un temps très long à s’accentuer définitivement.

Il reste, en fait d’hypothèses, celle du docteur Blandet, mentionnée ici même il y a des années[1] et qui est encore la moins invraisemblable de toutes depuis qu’elle a reçu l’assentiment de M. A. de Lapparent, dans le Résumé cosmogonique qui termine son Traité de géologie[2]. Elle est fondée sur la condensation graduelle de la masse solaire : d’abord diffuse et peu concentrée, elle devait projeter sur l’horizon terrestre un disque mesurant un angle assez étendu pour annuler d’abord, atténuer ensuite les effets de la latitude et de l’obliquité des rayons, et, finalement, prolonger au-delà de toute limite l’illumination des crépuscules d’hiver aux deux pôles. Si l’on ajoute à cette cause d’élévation et d’uniformité des climats, une densité double, triple ou quadruple de l’atmosphère, susceptible de contenir des quantités équivalentes de vapeur d’eau et de les rendre en pluies, on aura énuméré, nous le croyons, les sources probables de la chaleur humide du climat paléozoïque. Plus diffuse et plus souvent voilée, la lumière solaire était moins ardente, plus égale, plus doucement tamisée, elle s’emmagasinait mieux, et la chaleur produite était sujette à une moindre déperdition. Ces traits réunis font comprendre pourquoi les pôles restèrent si longtemps exempts de frimas et habités par les mêmes plantes que les parties attenantes des hémisphères, connues sous le nom de zone tempérée. Si, plus tard, le refroidissement faisait de nouveaux progrès, ces parties devaient faire elles-mêmes retour à la zone glaciale, et jusqu’au milieu du tertiaire c’est à celle-ci qu’on aurait justement

  1. Voyez notre étude sur les Anciens climats, dans la Revue du 15 juillet 1870.
  2. A. de Lapparent, Traité de géologie, Paris, Savy, 1883, p. 1258.