Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/912

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plantes d’eau, iris, joncs, potamots, sont relativement abondans ; ensuite viennent les arbres et arbustes feuillus : bouleaux, hêtres, chênes, platanes, magnolias, tilleuls, alisiers, la plupart à feuilles caduques et sans mélange de formes alliées à celles des pays chauds.

Les affinités de cette flore se partagent à peu près également entre l’Amérique du Nord et l’Europe ; c’est dire qu’on retrouve aujourd’hui dans les deux pays une notable proportion d’espèces végétales alliées de fort près à celles qui étaient alors réunies en une même association sur le sol du Spitzberg, comme si plus tard elles l’eussent quitté pour s’avancer plus au sud, en suivant une double direction. Le Groenland, du reste, nous offrira bientôt le même enseignement.

Il en est ainsi, en ce qui concerne l’Amérique, du séquoia de Californie, du cyprès chauve, du platane et du tilleul, de l’un des chênes, de plusieurs érables et peupliers, qui, maintenant américains, faisaient alors partie intégrante de la flore du Spitzberg. Mais si nous établissons le même parallèle vis-à-vis de l’Europe, nous sommes conduits à formuler des observations encore plus précises : d’une part effectivement, quelques-unes des espèces spitzbergiennes tertiaires sont du nombre de celles qui, répandues en Europe dans le cours du miocène, persistèrent ensuite très tard sur notre sol avant d’en être finalement éliminées. C’est le cas, non-seulement du cyprès chauve, du séquoia, du glyptostrobus, du platane, qui habitèrent l’Europe longtemps après avoir quitté le Spitzberg, mais encore d’autres formes bien connues, telles que le parrotia pristina, dont l’analogue se trouve en Perse et qui existait encore dans le Gard, au temps de l’éléphant méridional, et le grewia crenata, type japonais qui, avant de s’éteindre, a encore orné en France les forêts pliocènes du Cantal. — D’autre part, enfin, on rencontre parmi les espèces tertiaires du Spitzberg, non pas uniquement les similaires de nos espèces européennes actuelles, mais aussi les ancêtres directs de plusieurs d’entre elles, par exemple du noisetier, de l’orme vulgaire, du bouleau blanc, du lierre d’Islande, peut-être même du « fraisier, » observés pour la première fois dans un âge encore éloigné de celui où leur migration vers le sud et leur introduction ont dû avoir lieu.

Pour ce qui est de la moyenne annuelle à assigner au Spitzberg tertiaire vers le 78e degré, cette moyenne, supérieure à coup sûr à celle de la terre de Grinnell, qui vient d’être évaluée à 9 degrés centigrades par suite de la présence et l’abondance des séquoias, ne saurait pourtant, à cause de l’absence caractéristique des lauriers et de la prédominance exclusive des végétaux à feuilles