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qui rapportent ce mot de versoria à une corde, ou bien au gouvernail, comme si funis ou clavus étaient du féminin genre. » Puisque nous avons entamé ce procès, donnons-nous la satisfaction de l’instruire plus à fond. Commençons avant tout par rétablir le texte exact de Plaute (le Marchand, acte V, scène II) :


Si huc item properes, ut istuc properas, facias rectius,
Huc secundus ventus nunc est, cape modo vorsoriam.
Heic Favonius serenu’st, isteic Auster imbricus :
Hic facit tranquillitatem, iste omnes fluctus conciet.
Recipe te ad terram, Charine, huc : non ex adverso vides,
Nimbus ut ater imberque instat ? Aspicias nunc ad sinistram,
Cœlum ut est splendore plenum ex adverso vides.


Ni M. Naudet, en 1836, ni M. Alphonse François, en 1844, n’ont voulu voir dans la versoria une rose des vents. Le premier traduit ainsi le passage cité par le savant jésuite : « Au lieu d’aller si vite par là, tu feras mieux de venir ici en toute hâte. Le vent favorable souffle de ce côté : Tu n’as qu’à virer la voile. Ici le zéphir, là les autans orageux. L’un apporte le calme, les autres soulèveront toutes les vagues. Reviens ici prendre terre, Charin. Ne vois-tu pas devant toi les noirs nuages et la pluie qui menacent ? Regarde à gauche ; quelle sérénité dans le ciel ! » Plaçons en regard la traduction de M. Alphonse François, reproduite en 1855 dans la Collection des auteurs latins publiée sous la direction de M. Nisard, nous ne trouverons pas davantage d’encouragement à nous ranger à l’interprétation du père Fournier. Voici la version de M. François : « Au lieu d’aller si vite par là, tu feras mieux de venir promptement par ici. Un vent propice souffle de ce côté, tu n’as qu’à tourner la voile. » Le père Fournier voudrait qu’on traduisît : Tu n’as qu’à consulter la boussole.

Entre nous, je ne crois pas que l’aumônier de l’archevêque de Sourdis ait précisément « frappé le clou sur la tête ; » mais il est bien amusant et bien ingénieux. « De tout ceci je conclus, écrit-il en terminant, que la boussole n’est une invention de ces derniers siècles et que, bien que notre Guiot de Provins (Guiot ou Guyot était né à Provins vers l’année 1150) soit l’auteur le plus ancien qui en parle nettement,.. j’en mets l’invention entre les choses que nous avons par tradition, sans que nous sachions à qui nous en sommes obligés. » Ajoutez que l’aimant, cette pierre que décrit si bien Claudien, à laquelle « le fer donne la vie : ex ferro meruit vitam, » se trouve en abondance sur les côtes d’Arabie et dans les îles de l’archipel grec, « spécialement, remarque le savant auteur que nous ne nous lassons pas de citer, en l’île de Serpho, où on