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facilités particulières qu’il a été souvent jugé nécessaire d’accorder pour l’amélioration des logemens.

A Londres, c’est le prince Albert qui, vers 1850, a pris l’initiative, avec le concours du haut clergé et de la société aristocratique. Les premières associations formées sous son patronage, à l’aide des capitaux que prodiguait l’opulence des donateurs, obtinrent des résultats qui attirèrent l’attention et décidèrent plusieurs compagnies à entreprendre, non pas seulement comme œuvre de bienfaisance, mais surtout comme affaire de spéculation, la construction de maisons pour les ouvriers. Aujourd’hui l’on compte à Londres plus de 300 associations ayant 110,000 adhérens et disposant de capitaux très considérables pour exploiter cette branche spéciale de l’industrie du bâtiment. Il en est de même dans les grandes villes manufacturières de l’Angleterre et de l’Ecosse. Ce mouvement, qui a réalisé un immense progrès, ne se serait pas produit s’il n’avait été mis en train par l’une de ces influences supérieures et de ces forces sociales qui ne sont pas cataloguées dans les dictionnaires de l’économie politique, mais qui n’en sont pas moins actives et décisives pour le bien de l’humanité. Les banquiers et les entrepreneurs n’ont apporté leurs capitaux qu’après avoir laissé à la bienfaisance et à la politique le soin de préparer le terrain et d’essuyer les plâtres. En France, à défaut de princes et d’aristocratie, les pouvoirs publics peuvent donner le branle et encourager les premiers efforts de la spéculation et des associations particulières. L’état a exempté de l’impôt foncier, pendant trente ans, les maisons construites dans le prolongement de l’ancienne rue de Rivoli : il s’agissait simplement d’assurer, pour la perspective, l’uniformité des galeries et des façades. Comment ne pas admettre que des faveurs analogues peuvent être accordées quand il s’agit d’attirer le capital au service d’un intérêt populaire ? Ce n’est plus là une question de principe, c’est une question d’opportunité et de mesure.

Un intérêt supérieur, l’intérêt de la salubrité, commande d’ailleurs l’amélioration générale du régime des habitations. D’après la statistique, la mortalité annuelle, à Paris (57,000 décès), serait au-dessous de la moyenne générale de la France ; mais ce résultat n’est qu’apparent, car la population de la capitale, par suite du nombre considérable des immigrans, compte 723 adultes par 1,000 habitans, et la proportion des âges ne s’y rencontre pas dans les conditions normales. En réalité, la mortalité, à Paris, est plus élevée qu’elle ne devrait l’être, et s’il n’y a pas eu, depuis plusieurs années, de ces grandes épidémies qui, telles que le choléra, font tout d’un coup tant de victimes, on observe que les affections contagieuses, attribuées à l’encombrement et à une hygiène défectueuse, tendent à se fixer dans les quartiers les plus populeux. Il