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la révision et sur une session que les représentai eux-mêmes étaient impatiens de clore, tout le monde parlementaire, si agité la veille, s’est hâté de se disperser dans les provinces ; mais, avant de se séparer, chambre des députés et sénat, rentrés pour un instant dans leur rôle ordinaire, ont eu une dernière occasion de s’occuper d’une affaire plus sérieuse, qui touche à de bien autres intérêts, qui peut avoir une bien autre importance, parce qu’elle engage la politique de la France dans l’extrême Orient. La révision est déjà oubliée, elle n’a été qu’une diversion éphémère ; la question de notre politique dans le monde oriental, de nos rapports avec la Chine reste tout entière, et elle a même pris depuis quelques jours une gravité nouvelle par une rupture déclarée entre la France et le Céleste-Empire, par un commencement d’hostilités. Comment en est-on venu là ? que se propose-t-on réellement dans toutes ces entreprises lointaines ? Quelles seront les conséquences et les proportions de ces confus et irritans démêlés avec la Chine ? Voilà ce que nos chambres ont eu à peine le temps de discuter et d’examiner quelques heures, au pas de course, après avoir passé près de quinze jours à batailler sur une œuvre inutile ! Voilà la question compliquée, délicate, que M. le président du conseil s’est fait accorder sommairement le droit de décider et de trancher, dans sa sagesse, par les négociations ou par les armes pendant cet interrègne parlementaire qui commence. On peut dire qu’avec les vacances, et en prenant congé de la révision, nous sommes entrés dans la phase aiguë des affaires de Chine.

Ce n’est point sans doute que ces complications aient rien d’imprévu. Elles se préparent depuis longtemps ; elles ont commencé avec l’extension de notre protectorat ou de notre domination dans le Tonkin ; elles étaient à peu près inévitables entre la France, avouant l’intention d’établir son empire sur le Fleuve-Ronge, envoyant un corps expéditionnaire, et la Chine, revendiquant une suzeraineté séculaire sur ces contrées. Qu’elles ne se soient pas manifestées dès le premier jour sous la forme d’une opposition déclarée et à main armée du gouvernement de Pékin, elles n’existaient pas moins, et la présence des réguliers chinois partout où nos soldats se présentaient ou avaient à combattre, attestait assez les dispositions hostiles, les velléités de résistance du Céleste-Empire. C’était un état assez singulier, mal défini, sur lequel on ne pouvait guère avoir d’illusions. Un instant, il est vrai, au mois dernier, tout a paru s’éclaircir et prendre une face nouvelle ; on a cru toucher à un dénoûment pacifique de toutes les difficultés, de toutes les contestations, par le traité négocié et signé à Tien-Tsin entre le capitaine de frégate Fournier et le vice-roi du Tcheli, Li-Hung-Tchang, ce personnage que M. le président du conseil s’est plu à représenter en chef du parti de la paix dans le