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tique intérieure si l’on veut que la France garde la liberté et l’efficacité de son action dans la politique extérieure.

À défaut des graves événemens ou des conflits qui heureusement sont épargnés à notre vieux continent, qui sont relégués au loin, les nations de l’Europe sont à leurs affaires, à leurs entreprises, ou à ces incidens de haute diplomatie qui se reproduisent assez invariablement à la saison d’automne, qui ont toujours leur signification et leur importance. Cette année, en effet, comme toutes les autres années, nous avons ces voyages, ces visites, ces entrevues de souverains et de ministres, qu’on prépare avec art, qui provoquent aussitôt mille bruits et sont l’objet de tous les commentaires. On n’en peut plus douter, l’empereur Alexandre III de Russie a déjà quitté Saint-Pétersbourg pour se rapprocher du centre de l’Europe ; il se rend en Pologne, où il va se rencontrer avec l’empereur d’Autriche, avec l’empereur Guillaume si l’âge et la santé du vieux souverain d’Allemagne n’y mettent aucun obstacle au dernier moment. Cette entrevue qui se prépare n’est évidemment que la suite du rapprochement qui s’est accompli depuis quelques mois entre les trois cours ; elle ressemble un peu à une résurrection de l’alliance des trois empereurs, qui encore une fois durera ce qu’elle pourra. Les souverains ne sont pas d’ailleurs seuls à se rencontrer en ce moment. Peu auparavant, au lendemain de l’entrevue d’Ischl, le ministre des affaires étrangères d’Autriche, le comte Kalnoky, s’était rendu à Varzin pour s’entretenir de plus près avec M. de Bismark, et l’ambassadeur de France à Berlin, M. le baron de Courcel, a eu, lui aussi, récemment l’occasion d’aller voir le tout-puissant chancelier dans cette retraite d’où le grand solitaire ne sort que pour les grandes circonstances. Entrevues impériales, visites diplomatiques, conversations ou négociations secrètes, qu’en est-il de tout cela ? Que signifient réellement les incidens d’automne dans la situation présente du monde, dans l’ordre des relations générales ?

Il est sûr que la situation diplomatique n’est plus tout à fait ce qu’elle était il y a moins d’une année, qu’elle s’est quelque peu modifiée sous l’influence de circonstances nouvelles. À ne voir que l’apparence des choses, les rapports de la Russie avec l’Autriche et avec l’Allemagne avaient visiblement subi une certaine altération et sont restés assez tendus pendant quelque temps. L’antagonisme était même devenu un instant assez vif pour qu’un conflit n’eût rien d’impossible, pour que de part et d’autre on se crût obligé de s’observer, de se préparer. Les trois puissances ont sans doute vu le péril ; elles n’ont pas tardé à s’apercevoir qu’à persister dans cette voie, elles allaient droit à un redoutable choc, qu’au lieu de risquer de se jeter dans la plus dangereuse des aventures, elles feraient mieux de s’entendre sur les affaires d’Orient qui restaient entre elles la grande cause de division, et elles se sont expliquées. Elles se sont mêlées à cette œuvre de rapproche-