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perfidie toute féline, il appela l’attention du duc d’Anjou sur la préférence marquée de Marguerite pour le duc de Guise. Il n’eut pas grand’peine à agir sur un cœur tout préparé à la jalousie. La renommée naissante de Henri de Guise ne faisait déjà que trop d’ombrage au duc : il apprit et retint bien la leçon de Duguast. Catherine venant à lui parler du dévoûment que sa sœur avait mis à son service, tout en feignant d’en être reconnaissant, il insinua à sa mère que la prudence commandait « de ne pas se servir en tout temps des mêmes pratiques. » Étonnée de ce langage si nouveau, Catherine lui en ayant demandé l’explication : « Ma sœur est devenue belle, dit-il ; le duc de Guise la recherche ; ses oncles veulent la lui faire épouser. Si vous continuez à la prendre pour confidente, il est à craindre qu’elle ne redise tout au duc. Vous connaissez, ma mère, l’ambition de cette famille, et combien elle a traversé la nôtre. Il sera bon de ne plus tant vous familiariser avec Marguerite et de ne plus parler d’affaires en sa présence. » Marguerite s’aperçut bien vite du refroidissement de sa mère. La première fois qu’étant seule avec elle, le duc d’Anjou entra dans l’appartement, Catherine lui dit de se retirer. Marguerite obéit ; mais, surmontant la crainte que lui inspirait cette mère qui, d’un geste, la faisait trembler, elle eut le courage de braver une explication. Catherine lui répéta tout ce que le duc lui avait dit. Marguerite se défendit énergiquement, mais tout fut inutile ; alors, désespérée, ne pouvant se contenir : « Je m’en souviendrai toute ma vie, ma mère, s’écria-t-elle. — C’est mal, répondit Catherine ; . je vous défends d’en témoigner la moindre apparence. » Duguast était arrivé à ses fins : du même coup il avait brouillé le frère et la sœur et enlevé à Marguerite l’affection de sa mère.


II

Arrêtée durant plus de six semaines devant les murailles de Saint-Jean-d’Angély, l’armée royale fut décimée par des maladies contagieuses ; Marguerite en fut une des premières atteinte. « Ma fille m’a fait belle peur, écrivait Catherine à la duchesse de Guise, lui voyant le pourpre et que Chapelain et Castelan en étoient morts, n’ayant que Milon qui l’a bien guérie et sauvée ; elle est bien foible et bien maigre. » Étendue sur un brancard, il fallut la porter à bras jusqu’à Angers, où sa longue convalescence retint Catherine. C’est à ce moment que Henri de Guise reparut à la cour.

Le garçonnet des tournois de Bayonne était devenu un homme ; sa taille était haute, « son port majestueux ; » ses grands yeux jetaient des éclairs. C’était déjà l’homme dont Henri III dira, en