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les choses de très près sont d’avis que le mal n’est pas aussi étendu, ni aussi général qu’on le dit. L’une des autorités sur lesquelles nous pouvons nous appuyer ici, c’est le ministre de l’agriculture de Prusse ; l’autre, c’est l’excellente enquête badoise. Les dettes sont considérables, cela est vrai ; des causes permanentes tendent à grossir les charges, cela est incontestable ; mais il s’opère un travail de dégagement, car incessamment des dettes se paient ; et, s’il n’y avait pas eu une série de mauvaises récoltes, combinée avec la concurrence américaine, la situation serait supportable. Malheureusement on ne possède pas de renseignemens complets sur la dette hypothécaire rurale, et encore moins sur la dette chirographaire, qui passe également pour très forte. Des relevés se font maintenant pour établir au moins la dette foncière ; les enquêtes ne les ont fait connaître que pour un petit nombre de communes, et de l’une à l’autre la situation diffère. Si nous en jugeons d’après l’intensité des plaintes, c’est en Autriche que les souffrances de la propriété seraient les plus vives, et c’est aussi d’Autriche que viennent les propositions les plus radicales pour remédier au mal.

Dans le nord de l’Allemagne, on se bonne à demander un meilleur système de crédit : crédit foncier et crédit personnel. On voudrait pouvoir supprimer les intermédiaires, ainsi que les dettes hypothécaires à échéance fixe. On appelle de ses vœux la création d’établissemens de crédit foncier : les uns demandent que les associations de grands propriétaires qui émettent des lettres de gage, étendent leur action sur la moyenne propriété ; d’autres préfèrent que les paysans constituent eux-mêmes des associations de prêts. Pour le crédit personnel, on recommande beaucoup les associations fondées par M. Raiffeisen, institutions qui ont une certaine ressemblance avec les banques populaires de Schulze-Delitzsch, mais qui n’en dérivent point. Il existe des centaines de « sociétés de crédit agricole, » selon le système Raiffeisen, et elles paraissent se multiplier de plus en plus. Les personnes qui désirent en être membres doivent se faire agréer par le bureau, verser un droit d’entrée de 3 à 4 francs au fonds de réserve, et souscrire au moins une action qui, dans les statuts que nous avons sous les yeux, est de 100 marks (125 francs) payable en une ou plusieurs fois. La société reçoit aussi en dépôt les épargnes de ses membres, et si les fonds réunis par ces divers procédés ne suffisent pas à ses opérations, elle peut emprunter des capitaux sous la garantie solidaire de tous ses membres. Ces derniers sont seuls admis à demander des avances à la caisse. Les conditions sont assez sévères. Le prêt ne peut être réclamé comme un droit ; le bureau apprécie, mais on peut en appeler de sa décision ; l’assemblée générale juge en dernier ressort.