Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 65.djvu/666

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Saxe-Meiningen, signale[1] les dépenses qu’on fait aujourd’hui pour les vêtemens et le mobilier. On trouve de fréquentes occasions d’aller en ville, les cabarets de village offrent des consommations plus relevées et plus chères, le café et le sucre ont pénétré dans la plus pauvre chaumière. M. Bemberg, de la province rhénane[2], s’élève surtout contre l’amour du plaisir, contre les nombreuses fêtes : dans la vallée du Rhin, on compte treize jours fériés de plus qu’en France, sans parler des kermesses et surtout des réunions et banquets des associations qui pullulent dans certains cantons : société des tireurs, des anciens militaires, il y en a comme cela de trente à quarante. L’orateur insiste aussi sur l’éducation peu appropriée des jeunes filles, qui ne sont nullement préparées à diriger un ménage ou une ferme. Un grand nombre d’autres rapports traitent cette question, mais personne ne l’a approfondie comme l’enquête du ministère de l’intérieur de Bade[3], qui donne des chiffres précis, entre dans de nombreux détails sur chaque dépense, et les résume. Nous apprenons ainsi ce que coûte par jour à nourrir un individu dans chaque village, et ce qu’on dépense en moyenne, par tête, pour le vêtement dans le courant d’une année ; on distingue même souvent entre le grand, le moyen, et le petit paysan, entre le paysan et le journalier. La nourriture s’élève assez souvent à 1 franc par tête et ne descend jamais au-dessous de 0 fr. 50 ; la consommation de la viande est générale. Pour le vêtement, nous trouvons depuis 11 marks (13 fr. 75), jusqu’à 95 marks (118 fr. 75), et presque tous les chiffres intermédiaires ; il y a donc une grande différence entre un village et l’autre, et si 11 marks peuvent suffire, une dépense de 05 dénote nécessairement des habitudes de luxe.

L’augmentation des frais de production et celle des charges de toutes sortes que nous venons de constater, n’auraient causé ni gêne ni souffrances, si le revenu avait suivi le mouvement. Mais il est resté en arrière. Les prix de certains produits se sont sans doute élevés, mais d’autres n’ont pas sensiblement haussé. Ce qui est plus grave, c’est que, la défaveur des saisons ayant réduit la quantité des produits agricoles, ce contretemps n’a pas été compensé pour l’agriculture, au moins en partie, par une amélioration des prix. On sait que la faute en est à la concurrence américaine. Il est regrettable que cette concurrence, qui est purement temporaire, ait causé tant de découragement en Europe… C’est que celui qui souffre ne peut pas attendre.

On a démontré plusieurs fois que les cultivateurs en état de vendre du blé, — c’est la grande et la moyenne culture, — sont

  1. Bäuerliche Zustände, t. 1er, p. 17.
  2. Verhandlungen, 1883, p. 666.
  3. Erhebungen über die Loge der Landwirthschaft, t. IV, 4e appendice.