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Métastase, — les classiques, — et, pour nommer l’homme de génie, ce da Ponte, qui, sautant de l’antique au moderne, eut en présence d’un Mozart l’étonnante conception de Don Juan, un fond légendaire avec une action absolument réelle qui se joue sur le devant de la scène, des hommes remplaçant les héros et les demi-dieux. Cette seule circonstance de lier partie avec un maître librettiste italien était déjà un bénéfice, car, il faut bien en convenir, l’Allemagne, sauf de très rares exceptions, n’a jamais su fournir à ses plus grands musiciens que d’assez piètres canevas. Divers poèmes de Métastase ont survécu aux partitions de Hasse ; nombre de gens ont oublié, chez nous, Lulli, qui se souviennent des opéras de son librettiste Quinault ; mais quels témoignages se pourraient produire en faveur de la dramaturgie lyrique allemande à cette époque ? Pour avoir un exemple à citer, force est d’attendre le Freischütz et le théâtre de Richard Wagner, que nous aborderons en son lieu quand nous aurons vu (poème et musique) se développer le mouvement issu de Don Juan.

En même temps que le motif légendaire, l’histoire et la nouvelle vont désormais entrer dans le drame lyrique, où bientôt la politique et les conflits religieux feront irruption. Nous appellerons cela, si vous voulez, l’opéra romantique, et ce vaste cadre contiendra tous les élémens pathétiques de la vie moderne mêlés aux chroniques, aux fabliaux, aux mille et une confidences de la muse du réel et du fantastique. On y verra figurer côte à côte le Freischütz et Fidelio, la Muette et Robert le Diable, la Dame blanche, la Juive, les Huguenots et le Prophète.

J’ai parlé d’un avènement de la politique et des questions sociales dans l’opéra. Il est incontestable que les Huguenots, comme le Prophète, sont à cet égard des œuvres caractéristiques, où le pathos religieux et communiste, loin de nuire a l’effet dramatique, y contribue, au contraire, pour une large part, surtout dans les Huguenots. L’antagonisme des catholiques et des calvinistes, musicalement symbolisé, sert en quelque sorte de basse fondamentale à l’épisode romanesque des amours de Valentine et de Raoul. Autant on en peut dire de la Muette et de Guillaume Tell, qui ne sont pas davantage des opéras politiques, bien qu’ils nous entretiennent d’événemens se rapportant à la révolution de juillet. Le nerf politique d’un drame n’est point dans quelques scènes pittoresques d’insurrection, il est dans les conflits nationaux qui les ont amenées et que représentent les divers personnages mis en action. Or, dans la Muette comme dans Guillaume Tell, Masaniello et Fenella, Arnold et Mathilde sont des êtres d’imagination, et c’est seulement au second plan, et pour servir