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point du moins les historiens paraissent assez d’accord, — avaient quelque chose de particulier et qui se retrouve par la suite, une audace guerrière et une obstination dans la résistance véritablement extraordinaire, une extrême sensibilité et mobilité, et une extrême énergie. Les Gallois étaient soutenus par deux sentimens qui respirent dans leurs lois et ressortent de toute leur histoire : l’amour de la patrie et l’amour de l’indépendance surexcités par l’idée qu’ils se faisaient d’eux-mêmes. Le Kymri croyait appartenir à une race supérieure, noble, pure, sans mélange. Il ne doutait pas qu’il ne redevînt un jour maître de l’île entière. Cette croyance se personnifiait dans le héros Arthur. Arthur n’était pas mort, il allait reparaître, et, à la tête des Bretons, exterminer les Saxons.

L’isolement né des circonstances géographiques et de la langue explique cette persistance proverbiale peut-être autant que la race. En effet, on sait combien la race celtique, placée dans d’autres milieux, s’est montrée souple et susceptible de prendre diverses formes. D’ailleurs, ce qui détermine la destinée des peuples, n’est-ce pas surtout la géographie ? L’herbe fait les peuples pasteurs et crée le patriarcat ; la forêt, quelle que soit la race, fait les chasseurs et les sauvages ; les bords de la mer, en produisant les pêcheurs et les navigateurs, impriment à la famille, à la propriété, aux mœurs, aux idées, des formes non moins particulières. Ce qu’on a appelé l’obstination de la « race bretonne » n’est peut-être qu’un mot général qui sert à exprimer toute cette combinaison d’influences où la race, en réalité, ne figure que pour une part difficile à discerner. Coupée par de petites montagnes, les monts Arès ou Arées, et les montagnes Noires, qu’en leur langage énergique ils appelaient le dos de la Bretagne, Kein Brès, sans routes intérieures, avec peu de grandes voies navigables, la presqu’île armoricaine aura son développement à part. Cela sera vrai surtout de la Basse-Bretagne, placée hors du contact étranger, excepté par ses côtes, où s’arrêtent ses relations avec le dehors. Bien presque ne changera essentiellement. Les costumes resteront à travers les âges tels que les a décrits César. — Toto divisos orbe,.. ce mot, par lequel le poète romain qualifie la Grande-Bretagne, dans un sens tout physique, nous avons été souvent tenté de l’appliquer moralement à cette petite Bretagne armoricaine. Ce qu’il y a de résistant aux influences étrangères nous est apparu, aujourd’hui même encore, sous plus d’un symbole. Tantôt nous y songions à la vue de ces chênes courts et trapus, plantés en abondance dans la plaine bretonne, que le vent ne fait pas plus plier qu’il ne les rompt ; tantôt nous en faisions un rapprochement involontaire avec ces rochers granitiques de ses côtes, que le flot bat depuis des siècles sans les entamer. Mais les comparaisons qu’on peut faire entre le monde physique et