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centaines d’insulaires ; ils venaient d’Hawaïki, ont déclaré leurs descendans.

Dès les premières relations des Européens avec les habitans de la Nouvelle-Zélande, on fut tout de suite très assuré que les principaux d’entre eux étaient d’origine polynésienne. On a vu que Tupia, le fameux Taïtien qui accompagnait le capitaine Cook, comprenait l’idiome des Maoris, et que ces derniers entendaient parfaitement la langue de l’interprète du célèbre commandant de l’Endeavour. Cependant les voyageurs ne manquent pas de constater la présence d’hommes de races bien distinctes. N’avons-nous pas rappelé que Crozet, le compagnon de l’infortuné Marion, en reconnaissait de trois sortes, l’une d’elles provenant du mélange des deux autres, ainsi qu’en firent la remarque les navigateurs de la première période du siècle actuel ?

Il a été curieux d’entendre les explorateurs qui virent les Maoris dans l’épanouissement de leur existence nationale, et il était du plus réel intérêt de suivre leurs observations et leurs impressions. Tout à coup on se crut en possession de l’histoire du peuple de la Nouvelle-Zélande. On se souvient de ce brillant gouverneur de la colonie, sir George Grey, dont nous avons cité les actes et les idées. Voulant connaître la nation qu’il doit gouverner, il en apprend l’idiome. Bientôt il désire davantage : s’adressant aux chefs, aux rangatiras les plus éclairés, il recueille de leur bouche leur mythologie, leurs chants, leurs traditions. C’est tout un poème qui nous livre une race humaine dans ses pensées, dans ses aspirations, dans ses rêves ; poème bien digne de captiver tout esprit philosophique. Après George Grey sont venus des auteurs qui ont prétendu étendre ou rectifier en certains points les récits de l’ancien gouverneur. Les traditions recueillies ont été jugées de façons très différentes : les uns se sont persuadé qu’ils tenaient l’histoire véridique des Maoris ; les autres ont cru n’avoir que des légendes sans grande valeur historique. Applaudissons les chercheurs qui ont dégagé quelque lumière des traditions d’un peuple sans monumens comme sans histoire. Il était impossible de mieux faire. Ne prenons pas, néanmoins, pour vérités absolues des légendes transmises de génération en génération. Nous avons à compter avec les altérations continues, et par suite immenses, de faits dont le souvenir n’a jamais pu être fixé par l’écriture ; et nous avons surtout à nous mettre en garde contre la faiblesse humaine, qui court toujours à l’erreur plus aisément qu’à la vérité[1].

  1. Outre les ouvrages généraux de Taylor, de Thompson, de Buller, de Shortland, c’est dans les écrits de MM. Colenso, Travers, Hutton, Haast, Stack, Wohlers et publiés dans le recueil ayant pour titre New-Zealand Institute, qu’on trouve le plus de renseignemens sur les Maoris. Dans les ouvrages de M. de Quatrefages : les Polynésiens et Hommes fossiles et Hommes sauvages, d’importans chapitres sont consacrés à ce peuple.