Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 65.djvu/917

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sud et, assure-t-on, ils demeurèrent presque jusqu’à nos jours dans leur indépendance sur quelques points des Alpes du Sud, et l’on en parlait comme d’hommes sauvages des bois. Dans l’île du Nord, ils se sont bientôt complètement mêlés à la race polynésienne, d’où résultait, dans les caractères extérieurs de la population, une diversité qui avait beaucoup frappé les navigateurs. Les Mélanésiens persistèrent par groupes sur l’île du Sud jusqu’à une époque assez récente ; et l’on affirme qu’ils ne voyaient qu’avec terreur les Maoris dont ils étaient parfois attaqués pour être aussitôt tués et mangés.

Si, dès les premiers pas du capitaine Cook sur le sol de la Nouvelle-Zélande, on apprit que les ancêtres des aborigènes actuels étaient originaires d’une contrée tropicale, c’est à une date relativement peu éloignée que fut obtenu un certain ensemble d’informations. Les anciens explorateurs, marins ou missionnaires, s’inquiétèrent de connaître quels sentimens religieux, quelles superstitions régnaient parmi les habitans ; ils ont essayé de recueillir les traditions. Faute d’une pratique suffisante de l’idiome, les informations un peu précises ne sont venues qu’avec lenteur et après des efforts multipliés. Au milieu d’un peuple donnant le spectacle de la vie primitive, il est impossible de ne pas prendre un vif intérêt à ses croyances touchant son origine et la destinée finale de l’homme. A notre esprit s’offrent de singulières comparaisons avec les idées entretenues chez les peuples civilisés. Les phénomènes de la nature excitent partout les imaginations et amènent des explications ayant parfois une surprenante analogie. On ne tarda point à savoir que les Maoris pensaient d’une manière très générale que leurs ancêtres étaient venus d’Hawaïki dans plusieurs canots, et ce nom fit tout de suite songer qu’il s’agissait des îles Hawaï.

Hale, un des membres de l’expédition américaine commandée par Charles Wilkes, parvint à recueillir des renseignemens ayant un caractère de précision. Il interrogea de son mieux, et ainsi parlèrent les vieillards de la baie des îles : « Selon nos croyances, les Maoris sont venus d’Hawaïki, terre située dans l’est. Ils avaient neuf chefs dont nous connaissons les noms, ainsi que ceux des canots qui portaient les émigrans. » Les narrateurs désignaient les premiers endroits où ils s’étaient établis : Kawaïa sur la côte occidentale, Makato près du cap Oriental, Turanga ou la baie de Pauvreté, Ahuri vers l’entrée orientale du détroit de Cook. Les gens de la baie des Iles déclaraient en outre qu’à une époque plus rapprochée, un parti arrivant de la même contrée avait apporté la patate douce ; c’était du temps de Tararaku, grand-père de Pomaré, chef actuel de la baie des îles (1840). Il n’y avait qu’un seul canot, fait de plusieurs pièces, selon le mode de construction en usage aux îles des Navigateurs. Également à la baie des îles, un naturel, interrogé sur le