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sur certains territoires que les colons anglais ont promis de respecter, vivent, attristés et misérables, dans la haine des envahisseurs de leur patrie. A l’heure actuelle, nulle part ils ne se trouvent rassemblés en grand nombre ; n’ayant plus de guerres à redouter, plus de surprises à craindre, ils sont disséminés par familles sur les terres, presque toujours loin des établissemens des colons. Chaque année, cette population diminue ; elle va disparaître dans un avenir prochain. Bientôt ne vivra plus que le souvenir de la race anéantie. Le philosophe suit avec regret la rapide extinction des peuples qui se partageaient le monde, peuples si différens les uns des autres. Quel sujet d’étude va manquer ! Comme il était curieux et instructif de pouvoir comparer les races dans leurs caractères physiques, et infiniment davantage dans leurs goûts, dans leurs aptitudes, dans leurs facultés intellectuelles ! Par la comparaison des peuples, les uns offrant le spectacle de l’existence la plus primitive, les autres, d’une civilisation plus ou moins avancée et ne s’élevant, néanmoins, qu’à un niveau dont la hauteur semble infranchissable, on distingue plus aisément que dans les sociétés européennes les degrés de l’intelligence humaine.

Parmi les peuplades qu’on se plaît à qualifier de sauvages ou de barbares, il paraît n’y avoir que de médiocres différences d’un homme à l’autre sous le rapport intellectuel. Les différences individuelles s’accusent d’une manière d’autant plus sensible que l’état social se perfectionne davantage. Chez les nations parvenues à la plus haute civilisation, on trouve des représentans de chaque degré d’intelligence qui ailleurs est commun à tout un peuple. Il y a des masses qu’on peut comparer à l’ensemble d’une population de rang inférieur, des groupes à des peuples capables d’une certaine culture de l’esprit, et puis des individus en nombre toujours restreint qui surpassent tous les autres par les facultés, inventent, découvrent, élèvent la pensée et les aspirations et répandent sur toute la nation l’éclat dont elle s’enorgueillit. Le progrès d’un peuple dépend de la présence de quelques hommes supérieurs. Quel admirable sujet de psychologie s’offrirait à la méditation et aux comparaisons si les plus intelligens des Maoris eussent été assez favorisés pour parvenir à réaliser les désirs qu’ils avaient exprimés lorsque commencèrent leurs relations avec les Européens !

De tous les archipels qui entourent la Nouvelle-Zélande, le groupe de Chatham seul a été peuplé. Les habitans, qui se nomment les Morio-ris, étaient au nombre d’environ quinze cents pendant la première période du siècle. Ils restèrent à peine deux cents après les massacres des Néo-Zélandais, qui vinrent fondre sur Chatham de 1832 à 1835. Relégués sur la côte orientale, ils décroissaient tous les jours, assure M. H. Travers, qui les visita il y a une quinzaine d’années. Suivant les traditions, comme les Maoris, les Morioris