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on a tant promis des dégrèvemens, c’est ce que des députés qui veulent être réélus ne sauraient accepter : l’intérêt électoral passe avant tout. La commission du budget s’est empressée d’écarter les surtaxes proposées par M. le ministre des finances, et, de son côté, elle a cherché, elle aussi, ses remèdes. Un instant elle avait eu, à ce qu’il paraît » l’idée d’une conversion nouvelle de la rente 4 1/2 ; elle s’est heurtée aussitôt contre des impossibilités. De guerre lasse, elle a fini par accepter la plus petite, la plus inoffensive partie des projets de M. le ministre des finances, et, à force d’éplucher des chiffres dans chaque service public, elle est arrivée à une réduction de dépenses de quelque 50 millions, dont on peut présumer d’avance que le budget des cultes fera surtout les frais. Malheureusement tout ce qu’a proposé M. le ministre, tout ce que la commission du budget imagine de son côté, tout cela se réduit à d’assez médiocres palliatifs. Ce n’est pas le remède, parce que le mal n’est pas dans les détails : il est dans le fond des choses, dans la politique qui a créé et préparé cette situation, qui a compromis les finances françaises par des plans de travaux démesurés, par d’inutiles constructions d’écoles, par tout un système de dépenses imprévoyantes.

On cherche de petites économies à la commission du budget, et, pendant ce temps, M. le ministre des travaux publics, dans ses discours de province, déclare qu’on ne renonce à rien, que le « plan Freycinet » sera conduit jusqu’au bout. M. le ministre de l’instruction publique, à son tour, témoigne le regret de n’avoir pas plus d’argent a dépenser pour multiplier ses constructions d’écoles, et il garde l’espoir d’obtenir les millions nécessaires pour achever la réalisation du programme préparé par le gouvernement. Mais alors que parle-t-on d’éteindre le déficit ? On peut s’attendre, au contraire, à le voir grossir sans cesse. Au moment où nous sommes, il faut choisir entre deux systèmes de conduite : ou bien on continuera ce qu’on a fait jusqu’ici, on ira jusqu’au bout, comme on le dit, au risque de courir à une inévitable et irréparable catastrophe ; ou bien on en reviendra à une politique plus prévoyante, remettant un peu d’ordre dans nos budgets, ménageant le crédit et l’épargne de la France, mesurant les dépenses aux ressources publiques. C’est là, au fond, toute la question qui s’agite dans cette crise financière, devenue, non certes sans raison, un objet de préoccupation et d’inquiétude au moment où les chambres vont reprendre leurs travaux.

Ce n’est pas seulement d’ailleurs la crise financière, qui a sa gravité aujourd’hui, qui est faite pour préoccuper les esprits attentifs. Un des phénomènes les plus sérieux, les plus caractéristiques peut-être, c’est assurément cette crise du travail qui sévit à Lyon depuis quelque temps, qui éprouve toute une population industrieuse. On peut dire sans doute que l’esprit de parti, qui se mêle à tout, se plaît à exagé-