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à la reine qu’elle donnât une procuration en blanc et qu’elle déclarât devant l’official que, son mariage ayant été contracté sans dispense, à un degré de parenté prohibé et sans libre consentement, elle en désirait la nullité, Mornay pensait pouvoir ainsi se passer du pape.

Marguerite fut lente à se décider. Venu en avril à Usson, Érard n’en repartit qu’en juillet. Il emportait une lettre de la reine pour Mornay. Marguerite l’invitait à poursuivre sans retard une négociation si bien commencée, et de laquelle elle attendait « le repos et la sûreté de sa vie. » À son arrivée à Paris, Erard eut une première conférence avec MM. de Bellièvre, de Sancy et Révol. Tous, d’après ses explications, jugèrent opportun et convenable que le roi écrivît à Marguerite une lettre de remercîmens. Séance tenante, ils en rédigèrent la minute. Loménie la remit au net, et le soir même le roi la recopia. « Dès que j’ai entendu, disait-il à Marguerite, ce qu’Érard a traité avec vous, ce m’a été un extrême contentement de la résolution que vous avez prise d’apporter au bien de nos affaires tout ce qui dépend de vous. Quant à ce que m’a dit Érard touchant votre pension et paiement de vos dettes, je vous en ferai bailler telles et si sûres expéditions et assignations que le sçauriez désirer. »

Un second voyage d’Érard à Usson ayant semblé nécessaire, il en reprit le chemin. Sans repousser en principe les conditions qu’il venait lui renouveler, Marguerite demanda une augmentation de 4,000 écus sur le chiffre de la pension de 12,000 qui lui était offerte. « Ce n’est rien pour Sa Majesté, écrivait-elle, le 12 novembre, à Mornay, et beaucoup pour moi, qui reste avec si peu de moyens. »

Mais, au mépris des promesses du roi et des assurances données par Mornay, aucune des assignations annoncées ne fut expédiée. Ne pouvant s’en passer pour vivre, Margueiite se plaignit amèrement. Pour tenir lieu de la pension qui avait été assignée sur Clermont, elle demanda que la nomination d’une charge vacante de président à Toulouse lui fût attribuée ; du moins, en la vendant, elle pourrait se procurer quelques ressources. Henri IV plaida dans sa réponse les circonstances atténuantes ; il attribua tous ces retards et ce manque de parole au malheur du temps plutôt qu’à sa mauvaise volonté. En fermant sa lettre, il n’oublia pas, toutefois, de demander à la reine la procuration qu’elle n’avait point encore envoyée. Elle ne refusa pas cette dernière preuve de confiance et l’adressa en blanc, ainsi qu’on l’exigeait.

Elle n’était pas au terme des humiliations et des difficultés. Ërard, auquel elle avait accordé une gratification de 10,000 écus, laissait depuis un an ses intérêts en souffrance et ne se donnait