Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un transporté et de l’entretien d’un réclusionnaire finira par couvrir tous les déboursés,


III.

L’impossibilité de laisser en liberté six mille récidivistes pendant la première année de l’application de la loi qui les concerne, et dix et vingt mille par la suite, étant établie, il reste à s’occuper de la question importante du lieu où ils peuvent être internés. On a parlé des Nouvelles-Hébrides, de la Nouvelle-Calédonie, des îles Marquises et de la Guyane. Il nous faut tout d’abord laisser de côté les Nouvelles-Hébrides, mises fort mal à propos en avant, et cela par la simple raison que les Nouvelles-Hébrides ne sont ni possessions françaises ni placées sous notre protectorat. Il n’est pas permis d’ignorer qu’il existe entre la France et l’Angleterre une convention interdisant à l’une et à l’autre de ces puissances d’y faire acte de souveraineté. Les marines des deux nations peuvent aller y recruter des travailleurs indigènes, des sociétés anglaises ou françaises ont la faculté de s’organiser pour aller exploiter les richesses qui s’y trouvent, et c’est tout. Lorsque le vice-amiral Bergasse du Petit-Thouars partit de France, il y a quelques années, pour aller prendre possession de cet archipel, il reçut à Sydney des instructions qui modifièrent l’objet de son voyage. L’Angleterre, forte de la convention dont nous avons parlé plus haut, s’opposa catégoriquement à une annexion. C’était son droit.

Nos lecteurs savent que le projet de transporter les récidivistes en Nouvelle-Calédonie nous suscite des difficultés avec les possessions australiennes. Les raisons que font valoir les Anglais reposent sur des motifs si légers qu’il y aurait peu d’inconvénient à passer outre. Pourtant il est toujours préférable d’éviter des complications inutiles sans toutefois faire abandon des droits que l’on peut avoir. En Nouvelle-Calédonie même, les avis sont partagés sur la question de décider si la relégation sera avantageuse ou désastreuse. Les éleveurs de bétail la désirent, et c’est naturel, car les récidivistes seront des consommateurs de viande. Il n’en est pas de même pour ceux des habitans qui vivent des industries locales, pour les libérés ou autres individus ayant des fonctions salariées par l’état. Ces employés, — et ils sont nombreux, — repoussent la relégation parce qu’elle leur fera une rude concurrence ; qu’elle rendra leur besogne plus lourde sans que leur salaire en soit pour cela augmenté. Et puis le renchérissement des denrées sera la conséquence d’une agglomération soudaine, et le prix de la vie matérielle, déjà si coûteuse, ne pourra qu’augmenter dans des proportions formidables pour les