Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/426

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

subirent le même sort et Albornoz ajoute ce détail caractéristique que les Indiens ne voulaient plus manger cette chair, tant ils la trouvaient dure et coriace.

Chez les Cakchiquels, qui habitaient le Guatemala, des jeunes filles choisies parmi les plus belles et astreintes à une rigoureuse chasteté, étaient, nous apprend Cortez, désignées dès l’enfance pour être offertes à la déesse d’Acala. Ces mêmes Cakchiquels, avant d’aller au combat, sacrifiaient une femme et une chienne ; une défaite inévitable aurait suivi l’omission de cette offrande. Les Otomis immolaient des jeunes vierges pour obtenir la pluie si nécessaire dans ces régions arides, et, si nous devons en croire les conquistadores, la viande humaine se vendait publiquement sur les marchés du pays. Les Zapotecs offraient des hommes aux dieux, des femmes aux déesses, des enfans aux divinités inférieures. Au jour consacré à Teotinan, une femme devait porter la victime sur son dos au moment où elle allait recevoir le coup mortel, et c’était un honneur envié que d’être couverte du sang qui coulait. Chez les Itzas, quand les prisonniers manquaient, quand la chasse à l’homme n’avait point été heureuse, on choisissait les jeunes gens les plus gras; ils étaient tantôt empalés, tantôt enfermés dans une statue en bronze placée au milieu d’un feu ardent. La chair, convenablement préparée, était offerte aux assistans. Le cannibalisme n’était pas moins en honneur chez les Caraïbes, qui habitaient les Antilles; mais, si nous devons en croire Pierre Martyr, il était interdit de manger les femmes; elles étaient réservées pour les plaisirs de leur maître.

Il nous faut répéter à satiété ces tristes détails; les mêmes cruautés se sont renouvelées dans toute l’Amérique du Nord. Castañeda de Nagera dit, en parlant des habitans du Nouveau-Mexique : « Ils mangent tous de la chair humaine et vont à la chasse de l’homme. » Les prisonniers étaient livrés aux femmes de la tribu et, avant de les mettre à mort, elles les accablaient d’injures et de mauvais traitemens. Dans l’espérance de vaincre leur stoïcisme, elles se plaisaient à leur arracher des morceaux de chair, à les brûler avec des charbons ardens, à leur infliger d’horribles tortures. Le supplice avait lieu au milieu de chants, de danses, de hurlemens et de gestes frénétiques. La plupart d’entre eux, ajoute Castañeda, mangent la chair des prisonniers et conservent leurs ossemens comme d’honorables trophées. Ces horreurs se continuèrent longtemps après l’arrivée des Européens dans les pays qui n’étaient pas encore soumis à leur domination. Les Pawnees tuaient une captive, pour asperger de son sang leurs champs et pour en accroître ainsi la fertilité; les Loups immolaient une vierge comme une offrande au génie du maïs; les Utes déterraient les cadavres, au besoin,