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préparées de longue main. Il est des momens où les gouvernemens trahissent avec le pays tout entier ; c’est lorsque, malgré eux, ils cèdent aux entraînemens qui, suivant l’expression de Montaigne, « poussent les peuples de leur propre branle jusqu’au bout. » Ni le gouvernement italien, lorsqu’il promettait à la France de défendre le territoire pontifical, ni le roi, lorsqu’il confirmait, dans la lettre officielle adressée à l’empereur[1], les promesses de ses ministres, ne songeaient à transgresser violemment la convention du 15 septembre. Rome était sans doute l’objectif de leur politique, ils ne l’avaient jamais caché, mais il n’entrait pas dans leurs calculs de s’en emparer par la force ; ils croyaient que le pape serait amené fatalement à concilier ses intérêts avec les aspirations nationales. L’histoire ne leur reprochera pas moins sévèrement d’avoir, sans nécessité absolue, choisi le jour où la France agonisait pour pénétrer dans Rome par la brèche ensanglantée de la Porta Pia.


XIII.

Le 12 août, le drapeau français, qui flottait depuis trois ans sur la plate-forme du fort Michel-Ange, à côté du drapeau pontifical, était descendu, salué par vingt et un coups de canon. Au moment où le bateau qui emportait nos derniers soldats sortait du port de Civita-Vecchia, la foule massée sur les quais poussa des cris de délivrance, où perçaient des ressentimens longtemps contenus. C’étaient les adieux que nous faisaient les sujets du pape.

Le retour à la convention du 15 septembre, loin d’apaiser les passions en Italie, ne servit qu’à les raviver. La politique des ministres était violemment attaquée dans la presse et au parlement. M. de Laporta et, après lui, M. Mancini disaient que la convention n’existait plus, que la France l’avait déchirée en 1867, qu’elle était la reconnaissance du pouvoir temporel et qu’en y revenant le ministère avait violé le plébiscite constitutionnel.

  1. Le roi d’Italie à l’empereur. — « Florence, 20 juillet 1870. — Monsieur mon frère, Votre Majesté impériale m’annonce son désir d’exécuter de son côté la convention du 20 septembre 1864, dont mon gouvernement accomplit exactement les obligations. L’Italie, comptant toujours de la part de Votre Majesté Impériale sur la détermination qu’elle veut bien prendre aujourd’hui, n’a jamais dénoncé la convention du 20 septembre. Votre Majesté ne peut donc pas douter qu’elle ne continue à en remplir les clauses, confiante dans une juste réciprocité de la France à observer ses propres engagemens. Je renouvelle à Votre Majesté impériale les assurances de l’inviolable.amitié avec laquelle je suis,
    « Monsieur mon frère et ami, de Votre Majesté impériale,
    « Le bon frère et ami,
    « VICTOR-EMMANUEL. »