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vengeances entre voisins. La fontaine Aréthuse, qui sourd claire et abondante dans l’île où est aujourd’hui bâtie Syracuse, est presque un phénomène géologique, car elle vient, par des canaux souterrains, des montagnes de l’intérieur en passant sous les marais qui entourent la ville. les anciens Syracusains, reportant sans cesse leurs regards vers la Grèce que leur rappelaient les rochers rougeâtres, les sinuosités des golfes, l’aspect du paysage, croyaient qu’Aréthuse elle-même en venait et qu’elle s’en était échappée poursuivie par Alphée pour se fondre en eau sur ce rocher.

Les trois quarts environ de la Sicile appartiennent aux terrains tertiaires. Les roches primitives sont concentrées dans la province de Messine, où elles forment des montagnes à parois escarpées coupées par des vallées profondes et sauvages. Elles se rattachaient au massif granitique de l’Aspromonte, qui fait partie de la chaîne de l’Apennin, et formaient avec lui une île au milieu de la mer. Ces montagnes étaient moins élevées qu’aujourd’hui, car leur base plongeait dans les eaux, et c’est dans ces conditions que, pendant de longs siècles, se sont déposés les terrains de sédiment qui forment comme une ceinture autour de ce massif. La convulsion qui fit surgir l’Apennin souleva ces montagnes, fit émerger les terrains stratifiés qui s’étaient déposés sur leurs pentes sous-marines et produisit une dislocation suivie d’un affaissement qui donna naissance au détroit de Messine.

Les terrains secondaires apparaissent aux environs de Taormina et dans la chaîne des Madonies, où se montrent les dolomies, les calcaires à rognons du trias, avec de nombreuses grottes, le lias inférieur et moyen et l’oolithe supérieur : telle est la constitution du Calogero, près de Termini, des monts Trébia, du mont Cane, des montagnes de Palerme et du cap San Vito. On retrouve également les terrains secondaires sur certains points de la chaîne méridionale ; ce sont eux qui forment les cimes les plus élevées après l’Etna.

Quant aux terrains tertiaires, ils ont également été soulevés à d’assez grandes hauteurs et se montrent tantôt à l’état de poudingues et de grès, tantôt à l’état d’argiles écailleuses, tantôt sous la forme de calcaires plus ou moins marneux. Ce sont ces derniers qui dominent dans le Syracusain, dont l’aspect, tout différent de celui du reste de la Sicile, ressemble à celui de l’île de Malte ; ils forment de longues collines à dos arrondis et à sommets plans, recoupées par des vallées abruptes et de nombreux ravins. L’étage pliocène est représenté par les trubi, ou marnes blanches, par le calcaire grossier et par les sables jaunes. Les trubi donnent une chaux hydraulique recherchée et le calcaire grossier, facile à tailler, est très employé dans les constructions.