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cette industrie s’y implantait, on pourrait cultiver comme aux environs de Grasse des champs entiers en rosiers, en violettes, en tubéreuses, en jasmins, et demander aux orangers leurs fleurs en excès, inutiles pour la fructification.

Avec une quantité d’eau suffisante, la culture maraîchère prendrait un grand développement et permettrait d’expédier en plein hiver sur tous les points de l’Europe des légumes frais, toujours si recherchés. Il en serait de même de la culture fruitière, qui, en présence des besoins toujours croissans de la consommation, doit devenir pour certains pays et notamment pour la France ; une source de richesse et un élément d’exportation. D’après un mémoire très intéressant, publié par M. Whitehead (the Progress of fruit farming), la consommation des fruits en Angleterre a fait des progrès prodigieux ; non-seulement dans le pays l’étendue plantée en arbres fruitiers s’est augmentée de 26,000 acres pendant la période décennale de 1871 à 1882, mais les importations ont suivi un accroissement correspondant et ont passé de 15 millions de francs à 43 millions ; dans ce chiffre la Belgique entre pour 16,700,000 francs et la France pour 8,300,000 flancs seulement. Quant à l’Italie, elle ne figure pas sur le tableau, bien qu’elle suit en situation de fournir son contingent, ne serait-ce qu’en expédiant des raisins en boîtes à une époque où aucun autre pays ne pourrait lui faire concurrence.

Mais la culture pour laquelle la Sicile défie toute rivalité est la culture arbustive des pays chauds. Ce sont les oliviers, les orangers, les amandiers, les sumacs et par-dessus tout la vigne, qui feront dans l’avenir sa prospérité agricole et qui méritent qu’on les étudie spécialement.


V

Partout où les Grecs ont établi des colonies, ils ont transporté avec eux l’olivier, leur arbre favori. Originaire lui-même de l’Inde, d’où il a été importé en Europe, cet arbre au feuillage glauque et poussiéreux, s’éloigne peu des côtes et ne s’élève pas à une grande hauteur. Il végète néanmoins sur les terrains les plus stériles et vit très longtemps. On en voit en Sicile qui ont fait partie des anciens bois sacrés des Grecs et qu’on appelle sarrazeni, sans doute parce qu’ils ont été greffés par les Arabes. Ils n’ont plus, il est vrai, que la moitié du tronc et ressemblent aux saules qu’on voit souvent dans nos champs et qui ne végètent plus que par un lambeau d’écorce ; ils n’en sont pas moins vivaces et poussent des branches, qui, chaque année, se couvrent de fruits.