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réclamer uniquement de la liberté, les évêques les plus défians de toute protection séculière se montrèrent les plus favorables à l’action des puissances, non qu’ils voulussent à leur tour recourir au bras séculier, comme l’insinuaient les panégyristes avoués de l’inquisition, mais parce que l’intervention des gouvernements ne pouvait s’exercer que dans le sens de la modération et qu’elle était conforme à toutes les traditions, les puissances et les princes ayant, de Nicée à Trente, toujours été représentés aux grandes assises de l’église. L’intervention directe des gouvernemens, aucun des pères du concile ne semble néanmoins l’avoir formellement invoquée, bien que quelques-uns, tels que l’archevêque de Paris, M. Darboy, aient plus d’une fois réclamé l’aide morale du gouvernement français et que, malgré son antipathie pour le régime impérial, M. Dupanloup ait, avant de partir pour Rome, fait une visite aux Tuileries. A. ne consulter que leur intérêt bien entendu, l’intérêt de leurs bonnes relations, l’église et l’état eussent eu tout profit à laisser la salle conciliaire ouverte aux représentans attitrés des sociétés laïques ; mais le sentiment public et les mœurs nouvelles y répugnaient de part et d’autre. Ni la cour de Rome, ni la majorité du concile, ni les gouvernemens, ni les partis politiques n’y étaient disposés. Un seul état, et de troisième ordre, la Bavière, en manifesta le désir et entama des négociations dans ce sens. Aussi Pie IX s’était-il abstenu d’adresser, selon l’usage, aux souverains catholiques l’invitation de se faire représenter au concile, bien qu’à tout événement il eût d’abord fait préparer, à Saint-Pierre, une place pour leurs « orateurs. » L’absence des représentans du pouvoir laïque devait remplir de joie les promoteurs de la définition. L’Univers en triomphait bruyamment d’avance. L’organe des ultras n’y voyait pas seulement, ce qui était conforme aux faits, un signe de la séparation, aux trois quarts effectuée, de l’église et de l’état, il y voyait la consommation de la rupture entre la société moderne et l’église, le prélude de l’abrogation des concordats, et il osait s’en féliciter, déclarant en langage fatidique qu’au temps des alliances allait pour l’église succéder l’ère des conquêtes[1].

Le cabinet français, auquel la présence de nos soldats à Rome donnait en cette question une influence et une responsabilité particulières, était, à cet égard, inégalement partagé. Le ministre des affaires étrangères, M. Daru, inclinait à l’intervention. Lié de longue date avec Montalembert, il croyait de l’intérêt de l’état d’arrêter la définition de l’infaillibilité et de soutenir la minorité du concile. Le chef du cabinet, au contraire, M. Émile Ollivier, avec la majorité

  1. Article du 11 Juillet 1868.