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tées, telles que l’albumine, la fibrine, la caséine, lorsque l’air les avait altérées : cet ébranlement se communiquait de proche en proche aux matières fermentescibles ; les molécules étaient rompues, et des produits nouveaux apparaissaient, Telle était, d’après le savant bavarois, la façon dont la nature avait assuré la décomposition des substances organiques. Tous les corps qui ont vécu doivent se désagréger, devenir liquides ou gazeux. Leurs élémens rentrent ensuite en de nouveaux corps. Sans cette circulation de la matière et cette sorte de métempsycose, la surface de la terre serait encombrée de cadavres inutiles, et sa fécondité serait épuisée après un petit nombre de générations.

Lorsqu’on commença à penser que les vrais agens de la décomposition des corps et de la circulation des substances organiques étaient des animalcules microscopiques, Liebig ne dissimula pas son dédain pour ces nouvelles hypothèses. « C’est là, disait-il, raisonner comme ferait un enfant qui croirait expliquer la rapidité du cours du Rhin en l’attribuant au mouvement violent que les nombreuses roues des moulins de Mayence impriment à l’eau dans la direction de Bingen. » L’image est fort belle, mais l’idée n’était pas juste. On sait aujourd’hui établir une classification parmi les infiniment petits et reconnaître dans chaque fermentation l’œuvre distincte de chaque espèce.

Les produits les plus complexes, les plus parfaits qui résultent de la synthèse organique opérée par la vie, sont les albumines. C’est la substance de nos muscles et des globules de notre sang. Il y a deux sortes d’albumines : les premières, toutes prêtes pour la vie, incristallisables, insolubles et de formule chimique très compliquée ; les secondes, de formule plus simple, cristallisables, solubles, se rapprochant en somme du monde minéral ; elles résultent du dédoublement des premières et sont, en quelque sorte, le déchet de la combustion vitale. La plus simple de toutes est l’urée. Un ferment spécial, étudié par M. Pasteur, transforme l’urée en eau et en carbonate d’ammoniaque. Par là se termine la fermentation des albumines et le retour de cette partie essentielle de la matière vivante à la matière morte. Quand un cadavre se putréfie, il finit, grâce à l’action des êtres microscopiques, par se résoudre en eau, en acide carbonique, en ammoniaque et en gaz divers parmi lesquels se trouve toujours l’hydrogène.

Les sucres doivent compter parmi les matières non azotées les plus complexes qui se forment dans les organismes vivans. Comme les albumines, les sucres se décomposent et leurs élémens redescendent au monde minéral en traversant plusieurs états et par l’action de diverses espèces vivantes microscopiques.

Les levures attaquent le sucre et produisent l’alcool et l’acide