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La vitesse de la torpille Whitehead est d’environ 12 mètres à la seconde pendant les 400 premiers mètres de parcours ; nous dirons plus loin qu’elle a parcouru des distances plus grandes sans dévier ; mais il est prudent de ne pas viser le but à plus de 400 mètres. On peut exécuter le lancement sous l’eau ou au-dessus de l’eau. Ce dernier moyen est le plus généralement usité ; la torpille est disposée dans un tube, espèce particulière de canon dont elle est le projectile ; le bateau torpilleur manœuvre de manière à présenter l’axe du tube dans la direction que devra suivre la torpille, et quand il se trouve à portée, la torpille est projetée. Une sorte de clé placée au milieu du tube ouvre le réservoir d’air ; la machine se met aussitôt en marche ; la torpille prend son immersion et continue sa course jusqu’à ce qu’elle rencontre le navire contre lequel elle fait explosion.

On a placé des torpilles automobiles sur nos cuirassés ; mais il est évident que cette arme terrible est bien plus efficace lorsqu’elle est installée sur un thornycroft doué d’une grande vitesse et pouvant s’approcher assez près de l’ennemi pour le couler presque à coup sûr. Grâce à la portée de l’artillerie moderne, les cuirassés se tiennent à grande distance les uns des autres. Le thornycroft, le torpilleur se fiant à sa vitesse et à ses faibles dimensions pour éviter tout danger, s’avance résolument contre l’adversaire géant qu’il veut combattre. Un torpilleur muni d’une torpille automobile peut être comparé, comme on l’a dit justement, à un porte-torpille dont la hampe aurait 300 mètres de long au moins. Si les porte-torpilles ont déjà causé tant de ravages, que sera-ce des torpilleurs munis de torpilles automobiles ? Pourtant, un très grand nombre de marins ne sont pas convaincus que ce nouveau navire de combat doive détruire le cuirassé ; ils ne le croient même pas très dangereux, D’après eux, la torpille automobile est une arme d’une excessive délicatesse, qu’un rien dérange, qui se détériore avec une facilité extraordinaire et qui risque fort de trahir, au moment de la lutte, toutes les espérances qu’on a mises en elle. Quant au torpilleur lui-même, on a longtemps douté, on doute encore de ses qualités nautiques. On consent à avouer qu’il sera de quelque utilité sur les côtes ou à une très petite distance des côtes ; mais que ce navire minuscule, que cette « coquille de noix, » comme l’a dédaigneusement appelée M. Gougeard, puisse s’aventurer en pleine et grosse mer, à la poursuite des escadres, c’est ce que bien des officiers, trop fidèles peut-être à de vieilles traditions, nous ne dirons pas à la routine, refusent d’admettre. Ils traitent de visionnaires les partisans des torpilles et des torpilleurs. Ils affirment du moins que l’expérience de l’arme et du bateau destiné à la porter est encore à faire. Ils disent qu’il faut attendre des preuves décisives, et en tous cas ména-