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on prévoyait déjà d’autres modifications plus importantes, et le gouvernement français se hâta de faire construire à Indret, dès 1878, cent torpilles de forces et de dimensions meilleures. La torpille 1878 française constitua un progrès réel ; on n’a pas rendu justice à l’ingénieur chargé de sa construction ; à l’heure actuelle, on en modifie l’arrière d’une façon fort peu coûteuse et elle devient excellente. Malheureusement, les perfectionnemens opérés en 1878 n’étaient pas encore suffisans, et lorsque M. Whitehead nous a offert, en 1880, la torpille type 1880, cette dernière a paru tellement supérieure que tout le monde y a applaudi ; on a battu en brèche l’atelier d’Indret, qui a été supprimé comme atelier de construction, et nous sommes réduits à acheter toutes nos torpilles en Autriche. C’est là, pour le dire en passant, une situation très grave, car en temps de guerre nous ne pourrions nous procurer à l’étranger les torpilles nécessaires à l’armement de nos bateaux ; nous risquerions de nous trouver désarmés en face d’ennemis auxquels rien ne ferait défaut.

Quoi qu’il en soit, le type 1880 est le premier qui ait donné des résultats réellement satisfaisans dans les lancemens au-dessus de l’eau. Dès qu’il parut, les officiers qui connaissaient les modèles antérieurs et qui suivaient avec intérêt les transformations de la torpille, demandèrent à l’essayer non plus sur des bâtimens fixes tirant sur des buts fixes, comme on l’avait fait presque uniquement jusqu’alors, mais bien sur des bâtimens mobiles tirant sur des buts mobiles eux-mêmes. Ces premières tentatives de tir par le travers ne furent pas heureuses ; les déviations subies par la torpille étaient fort irrégulières. Il semble qu’en France on se découragea aussitôt. Il en fut tout autrement à l’étranger. Après avoir soigneusement étudié le problème, les Danois construisirent, en 1881, un tube spécial, dit à cuiller, qui obtint un succès remarquable. Soit qu’elle ne connût pas les expériences danoises, soit qu’elle fût dégoûtée par ses expériences personnelles, la France ne fit plus rien pour les torpilles ; on se bornait à les conserver plus ou moins bien dans les magasins ; il fallut l’arrivée à Toulon d’un officier-général des plus distingués, l’amiral Du Petit-Thouars, pour remettre à l’ordre du jour une question oubliée. Dans le commencement de l’année 1883, l’amiral Du Petit-Thouars fit exécuter par la défense mobile de Toulon des tirs nombreux aussi bien sur buts fixes que sur buts mobiles ; c’est grâce à son influence que le transport le Japon a été maintenu armé et qu’il est devenu une sorte de commission permanente d’expériences en même temps qu’une excellente école de mécaniciens pour les torpilles Whitehead. Dès lors, on tenta de nouveaux essais ; un affût à cuiller du système danois fut demandé ; en moins d’un an, des progrès considérables étaient accomplis. Peut-être le ministre