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actuel de la marine, M. l’amiral Peyron, qui était alors préfet maritime à Toulon, se rappellerait-il que, conduit à bord du Japon par un bateau-torpilleur de la défense mobile, il a assisté aux îles d’Hyères à des exercices de tir en marche dont il se montra émerveillé, s’il n’avait bu, comme tant d’autres, à ce fleuve d’oubli qui, d’après l’amiral Jurien de La Gravière, coule au pied du palais de la rue Royale. Et peut-être sa mémoire en défaut pourrait-elle retrouver dans les cartons de son ministère des rapports contenant le nombre de tirs exécutés sous ses yeux soit à la défense mobile, soit à bord du Japon, si les cartons des ministères avaient jamais servi à redresser la mémoire défaillante des ministres. C’est en présence de l’amiral Peyron que des torpilleurs ont effectué avec plein succès des tirs en marche sur but mobile, et cela jusqu’à 700 mètres de distance ! Depuis lors, le lancement des torpilles automobiles a fait de rapides progrès qui sont malheureusement ignorés par la grande majorité de nos marins. Les officiers généraux et supérieurs en sont restés aux expériences tentées avec les premiers modèles, ceux de 1876, de 1877, de 1878, et avec un matériel non perfectionné ; ils ne croient pas aux résultats obtenus avec le nouveau modèle 1880 et avec le tube à cuiller ; leur siège est fait, leur jugement arrêté. Ils ne veulent pas venir voir les tirs actuels, ils dédaignent même de s’en occuper. Quand on les interroge dans les assemblées politiques, ils répondent que la torpille est encore en enfance, qu’on ne doit pas compter sur elle, qu’on doit encore moins compter avec elle. Ils réservent toute leur foi pour les progrès déjà anciens dont ils ont été témoins dans leur jeunesse ou dans leur âge mûr, pour la cuirasse, pour le canon de gros calibre. Toutes les demandes qui ont trait à la torpille sont repoussées par eux avec ironie ou avec ennui. Il en résulte que nous ne possédons ni le personnel, ni le matériel nécessaires à l’usage d’une arme terrible que tous nos voisins étudient, manient et développent avant nous. Le Japon est presque le seul bâtiment sur lequel on puisse dire que la torpille automobile soit devenue réellement pratique. Il fait environ deux cents lancemens par mois et ne perd jamais une torpille. Si l’on en perd ailleurs, c’est donc faute d’exercice de la part des officiers et des hommes qui s’en servent. Même en escadre, c’est à peine si, de loin en loin, on tente au hasard quelques tirs sans but précis, sans utilité. Cette inaction produit l’inhabileté, et, à chaque échec, on met sur le compte de l’instrument la faute des opérateurs. Les lancemens du Japon se font, au contraire, avec plein succès, soit au mouillage, soit en marche, par beau ou mauvais temps, soit sur un but mobile, soit sur un but immobile. Dans les derniers tirs en marche qu’il a exécutés sur but mobile, les déviations au but ont été si faibles, qu’il