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boulets de moindre taille : la rapidité du tir est un avantage qui compensera certainement tous les autres.

Il s’agit maintenant de loger le canon de 14cm sur un bateau approprié. Selon nous, ce bateau doit être construit d’après les mêmes principes que le torpilleur, c’est-à-dire qu’il doit avoir une vitesse considérable, coûter peu cher pour qu’on puisse en multiplier les échantillons, être réduit enfin aux dimensions les plus restreintes pour échapper aux coups de l’ennemi. Nous voudrions qu’à l’exemple des torpilleurs il fût très étroit, très ras sur l’eau, et qu’il ne calât pas plus de 2 mètres, sauf dans la partie extrême-arrière formant la cage des hélices : on pourrait aller dans cette partie-là jusqu’à 3m,50, afin d’avoir des hélices d’un pas suffisamment grand. L’arme offensive de ce bateau étant le canon, ses armes défensives seraient la vitesse et ses dimensions restreintes. Par sa vitesse, vitesse de marche et vitesse d’évolutions (il aurait deux hélices) il serait libre d’accepter ou de refuser le combat contre un ennemi moins rapide que lui ; grâce à cette même vitesse, il n’aurait rien à craindre d’une torpille portée et serait, de plus, un but trop mobile pour pouvoir être atteint par une torpille automobile, en admettant, chose assez douteuse, que les torpilles automobiles, qui sont actuellement réglées pour une immersion de 3 mètres, et qui, dans ce cas, passeraient sous sa quille sans le toucher, puissent être réglées à une immersion plus faible sans rien perdre de leur justesse de tir. La longueur maximum de cette canonnière, dont le faible tirant d’eau lui permettrait d’entrer dans presque toutes les passes, ce qui est interdit à nos bâtimens de guerre actuels, serait de 60 mètres, la largeur du dixième de sa longueur. Son appareil militaire se composerait de deux canons de 14cm, l’un en avant, l’autre au milieu ou un peu sur l’arrière, et de plus d’autant de hotchkiss qu’on pourrait lui en donner sans l’alourdir. On serait tenté sans doute de se contenter d’un canon, ce qui simplifierait le problème, mais il faut être en mesure de tirer dans toutes les directions et ne pas construire des bateaux qui coûteraient trop cher en raison de leur armement trop réduit. La vitesse de cette canonnière devrait être égale à celle des torpilleurs, c’est-à-dire de 20 à 21 nœuds, plus tard 25, et de même qu’eux, elle devrait posséder un approvisionnement de charbon lui permettant de marcher de six à huit jours à 10 nœuds. Elle n’aurait pas besoin de mâture, sauf peut-être un mât de fortune pour fuir vent arrière après une avarie. Dans ces conditions, elle coûterait au plus 1 million. Nous pensons que ce chiffre est exagéré, car les avisos-torpilleurs commandés à la maison Claparède et aux Forges-et-Chantiers, qui ont à peu près les mêmes dimensions et qui sont chargés d’appareils beaucoup plus compliqués, ne dépassent pas le prix de 827,800 francs.