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continuellement l’excédent de leur population dans les parties orientales, au milieu des Slaves. Deux voies seulement s’ouvraient aux mouvemens des peuples entre le nord et le sud de la Germanie. D’une part, il y avait les passages par Eisenach, Fulda et la Kinzig ; de l’autre, ceux d’Éger ou de Schurgast. La première route conduisait au Danube et dans le nord de la Bavière ; la seconde, au Mein et dans la vallée moyenne du Rhin. Celle-ci servit aux Suèves, aux Alamanns, aux Burgondes ; celle-là a été suivie par les Rugiens, les Vandales, les Langobards allant en Pannonie et dans le Frioul. Quelques bandes isolées de Vandales, d’Alains et de Goths remontèrent bien la vallée du Danube, de la Pannonie vers la Gaule ; mais la masse des peuples venus des bords de la Mer Noire et du Nord-Est marchèrent directement sur l’Italie, par le Karst, ou sur les plaines daciques et pannoniennes. A aucune autre époque de son histoire, l’Allemagne n’a été autant remuée et agitée qu’au temps des migrations du Ⅳe au Ⅵe siècle. Dans cet intervalle, les groupes de peuples ou les confédérations des Franks, des Saxons, des Alamanns, des Thuringiens, des Bavarois, débordèrent par-dessus leurs frontières, devenues trop étroites, pour se répandre sur le territoire de l’empire romain au point de le couvrir de populations germaniques. Un jour devait venir où la force des événemens devait donner à l’empire d’Allemagne le nom de saint-empire romain, même au milieu des rivalités et des divisions du monde féodal, avant d’avoir atteint la prépondérance assurée par la réalisation de l’unité nationale : unité puissante et définitive, fondée sur la volonté du peuple, mais dont le maintien exige des sacrifices en proportion de sa grandeur, et devant lequel tout sujet allemand doit réfléchir, en regardant l’emblème des Hohenzollern sur le nouveau drapeau impérial, à l’apostrophe du Freischütz, que cet aigle n’est pas un don gratuit :

Glaubst du diesor Adler war dir geschenckt ?


Toute répartition politique fondée sur l’anthropologie, a dit en termes excellons M. de Quatrefages[1], conduit immédiatement à l’absurde. Aussi ne pouvons-nous le répéter assez, aucune grande nation moderne ne provient d’une race pure dérivée d’une souche unique. La population de la France, pas plus que celle de l’empire allemand, ne se compose d’un seul élément. Entre les Français des

  1. Voir, dans la Revue du 15 février 1871, l’étude de M. de Quatrefages sur la race prussienne.